Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les caissons d’artillerie. La guerre, — Et l’assistance sanitaire n’en est pas la partie la moins importante, — ne peut se faire avec quelque chance de succès qu’à la condition d’avoir été préparée de longue main.

Le danger était pressant ; l’énergie du comité de secours, présidé par le comte de Flavigny, fut irréprochable, et l’on fit des prodiges pour regagner le temps perdu. Hélas ! la violence avait trop d’avance sur la charité : celle-ci arriva en retard. Le 2 août, un combat sans importance et surtout sans résultat fut livré à Sarrebruck ; c’était moins une affaire d’avant-garde qu’une sorte de fantasia destinée à amuser l’esprit public. Le jeudi 4 août, les armées se rencontrèrent sérieusement à Wissembourg : nous y fûmes battus, et le rapport de M. de Moltke spécifie les motifs de notre défaite : « Le 4 août, dit-il, à cinq heures et demie du matin, un détachement français avait été envoyé en reconnaissance ; il rentrait sans avoir aperçu aucun indice de la marche de l’ennemi ; les troupes étaient donc occupées, soit à prendre leur repas, soit à pourvoir à leurs divers besoins, lorsque tout à coup, vers huit heures et demie du matin, une batterie bavaroise gravit la hauteur au sud de Schweigen et ouvre son feu sur Wissembourg. Vers onze heures du matin, des forces allemandes bien supérieures se trouvaient formées en face de la division française disséminée, pendant que d’autres masses s’acheminaient encore vers le champ de bataille. » Surprise des troupes françaises, mal éclairées, luttant contre un nombre triple de troupes allemandes, toujours bien renseignées : ce fut le début de la campagne, et c’est l’histoire de toute la guerre de 1870. Le combat fut meurtrier; en tués, blessés et disparus, les Français perdirent 2,092 hommes et les Allemands 1,528.

Ce même jour, la Société de secours aux blessés mit en mouvement sa première ambulance, qui allait se diriger sur Nancy et sur Metz. J’étais au nombre des curieux qui, pour la voir partir, s’étaient groupés aux Champs-Elysées, devant le Palais de l’industrie. On ne savait rien encore de la rencontre qui, le matin, nous avait repoussés de la frontière, mais cependant l’on était triste, et je ne sais quel douloureux pressentiment oppressait les cœurs; on était ému, et bien des yeux furent humides en voyant le docteur Lefort, les jeunes chirurgiens, le pasteur, l’aumônier, les infirmiers qui l’accompagnaient, défiler en tête d’un cortège composé de 97 personnes, de 27 chevaux et de 7 voitures. On quêtait en marchant au milieu des passans arrêtés sur les trottoirs. Tout le monde donnait, et j’ai vu plus d’une pauvre femme faire le signe de la croix avec le son qu’elle laissait tomber dans l’aumônière. Cette ambulance, qu’encourageaient des vœux qui devaient rester stériles, était trop lourde, trop encombrée de matériel et de personnel.