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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/266

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l’oraison funèbre que prononça le révérend père Félix. Le prêtre fut éloquent et, se rendant l’interprète d’un sentiment unanime, il remercia, au nom de la France, la Société de secours aux blessés du bien qu’elle avait fait.


VI. — LE MATÉRIEL ET LE PERSONNEL.

Lorsque la paix fut signée, et que la France, pansant ses blessures, ranimant sa vie presque éteinte, faisait courageusement face à l’infortune, la Société de secours, économe des deniers qui lui avaient été confiés pour venir en aide aux blessés, compulsait des chiffres et constatait que le reliquat des fonds de guerre, réunis à des offrandes attardées, lui constituait un capital d’environ 3,500,000 francs. C’était peu en présence des nécessités qui s’imposaient. Parmi les blessés que l’on avait sauvés, beaucoup restaient amputés, impotens, sans ressources assurées et menacés d’une misère qu’ils ne pouvaient combattre par un travail que leur mutilation rendait impossible. Il ne pouvait être question de leur constituer des pensions, car l’on eût, en agissant ainsi, immobilisé le capital; on ne pouvait que leur accorder des allocations renouvelables; on n’y manqua pas, l’on fut généreux, et de ce chef la Société dépensa 200,000 francs en 1872. Ce n’est pas seulement les blessés qui profitèrent de ces largesses; les familles des soldats morts au cours de la campagne ne furent pas oubliées ; les orphelins eurent leur part, 10,000 francs, et aussi les Alsaciens-Lorrains immigrés en France, 20,000 francs. La distribution de ces secours aux victimes de la guerre franco-allemande n’a pas encore pris fin, comme on pourrait le croire, car je trouve dans les comptes de 1887 que 47,506 francs ont été employés à venir en aide à 1,760 anciens blessés et à 357 veuves, orphelins et ascendans, sans compter 93 appareils, — jambes articulées, bras artificiels, mains à crochet, — qui ont été délivrés à d’anciens amputés[1].

Les secours donnés aux blessés d’hier n’étaient et ne devaient être qu’un souci secondaire pour la Société ; son objectif principal était le blessé de demain, celui qu’une guerre nouvelle pouvait jeter bas sur le champ de bataille et renvoyer, impuissant, incomplet et pauvre, dans ses foyers. Il ne fallait plus, comme au mois de juillet 1870, être saisi par des événemens inopinés, s’organiser

  1. En ajoutant aux allocations du conseil central celles des comités de province, — De Lyon, par exemple, qui, chaque année, donne 5,000 ou 6,000 francs, d’Orléans qui fait de même, de Lille, de Bordeaux, etc., — on constate que, depuis 1872, la Croix rouge a distribué plus de 2 millions de secours prélevés sur les revenus d’un capital resté intact, sans parler de l’achat du matériel en magasin, qui a coûté plus de 800,000 francs.