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naturelles, la mer et les fleuves, des bateaux chaque jour plus perfectionnés circulaient; mais plus longs, plus larges et plus profonds, ils ne s’accommodaient plus des simples criques, des petits havres tout faits par la nature, des cours d’eau au niveau changeant. Ainsi les travaux publics qui, sans avoir été inconnus au moyen âge, n’y avaient tenu qu’une place subordonnée, arrivaient graduellement à prendre de l’importance aux yeux de la nation. A l’indifférence séculaire dont ils étaient l’objet succéda d’abord une faveur, puis un engouement, puis presque une passion. Comment se sont comportés, en cette matière presque toute neuve, l’état et les individus ou les associations libres ? Dans quelle mesure historiquement chacune de ces forces a-t-elle contribué aux progrès contemporains ? Quel est le rôle qui échoit à chacune d’elles ? Sans nous arrêter à trop de détails, mais sans nous en tenir à des généralités vides, nous allons brièvement le rechercher.


I.

L’état, sous l’une de ses trois formes de pouvoir central, pouvoir provincial ou pouvoir municipal, peut intervenir de trois façons dans les travaux publics : 1° en usant seulement de sa puissance réglementaire, par l’autorisation d’expropriation, par la reconnaissance comme personne morale de la société ou du syndicat entrepreneur, par des faveurs, des charges ou des restrictions à l’exercice de l’industrie qui fait l’objet d’une concession ou d’une réglementation ; 2° il peut aller plus loin, consentir à l’entreprise une participation pécuniaire, un subside une fois donné, ou une garantie plus ou moins déterminée, une sorte d’aval tout au moins comme celui que des commerçans riches et bien posés accordent, pour leur faciliter le crédit, à des confrères plus pauvres et moins connus, en qui ils ont confiance; 3° l’intervention de l’état, au lieu d’être mitigée et en quelque sorte auxiliaire, peut être principale et aller jusqu’à l’absorption : l’état peut se faire directement entrepreneur et même exploitant ; non-seulement il peut construire, mais gérer lui-même, les services dont il a constitué les élémens matériels : ce dernier mode d’action peut comprendre deux degrés, suivant que l’état admet une concurrence à ses propres entreprises ou qu’il les constitue en absolu monopole.

Ces trois modes d’intervention ou d’action de l’état sont très inégaux et ont des résultats bien différens. Le premier peut être considéré comme indispensable, dans une certaine mesure, pour toutes les vastes entreprises qui, à défaut de l’adhésion volontaire de groupes compacts d’individus, supposent la contrainte imposée aux récalcitrans. Il est mille cas où une œuvre ne peut se passer