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qu’il veut bien leur accorder; or ces services qui témoignent de la reconnaissance des communes ou qui en fournissent des gages ne peuvent être que des services électoraux. Le mécanisme théorique de l’état moderne, qui repose sur la liberté des élections, en est ainsi faussé. Avouée ou occulte, impudente ou hypocrite, la candidsature officielle, ou l’assujettissement des électeurs à l’endroit du pouvoir central, est une des conséquences inévitables du régime français des travaux publics.

Quand même on transporterait aux autorités provinciales, en France aux conseils-généraux, le pouvoir de répartir les subventions aux communes, on ne supprimerait pas ces inconvéniens ; on déplacerait seulement la servitude. C’est envers la majorité du conseil-général que les communes devraient se montrer complaisantes, solliciteuses, humbles et dépendantes, sous peine d’être exclues des subventions, ou d’y être moins bien traitées du moins que les communes dociles. Ainsi, ce système, qui ne laisse pas aux localités assez de ressources pour suffire seules à leurs dépenses essentielles, constitue un joug électoral d’une épouvantable lourdeur.

n a des inconvéniens techniques qui ne sont pas moindres. Il pousse à un gaspillage effréné. L’état intervient dans certains travaux communaux dans des proportions qui vont jusqu’à 50, 60 et même 80 pour 100 de la dépense, suivant le degré de richesse de la commune. Une petite commune rurale n’a qu’à s’imposer de 1,000 fr. pour que l’état lui en donne 4,000. L’énorme disproportion entre l’allocation de l’état, qui est considérée comme un don gratuit, et l’imposition locale, induit beaucoup de localités à entreprendre des œuvres médiocrement utiles, à exagérer du moins la dépense. Étant donné le point de vue borné auquel se placent les paysans, beaucoup d’entre eux n’hésitent pas à voter un crédit de 1,000 francs pour une dépense médiocrement justifiée, quand ce crédit entraîne une subvention nationale de 4,000 francs qui se répandra dans la commune en salaires, en achat de terrains ou de matériaux. Servitude et gaspillage, voilà les résultats du régime français.

Si l’on voulait revenir à un mode naturel, il faudrait constituer aux pouvoirs locaux des ressources sérieuses, indépendantes, et renoncer absolument aux subventions du pouvoir central. Si, pour ces subventions de toute nature, celui-ci dépense annuellement une centaine de millions, mieux vaudrait qu’il abandonnât d’une manière permanente 100 millions du produit des quatre contributions directes. Son budget n’en souffrirait pas, puisque ce qu’il céderait d’une main, le produit de certains impôts, il le retiendrait de l’autre, en n’accordant plus de subventions. Les communes et les départemens seraient ainsi affranchis, les premières de leur