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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/361

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Darlington, d’une longueur de 61 kilomètres, autorisée en 1824, ouverte en 1825, revenant à un prix kilométrique de 430,000 fr., et desservie d’abord par des chevaux. Mais la grande industrie des chemins de fer ne date vraiment que de la ligne de Liverpool à Manchester, concédée en 1826, inaugurée en 1830, ayant 50 kilomètres de longueur qu’on parcourait en une heure et demie. Elle avait coûté la somme énorme de 39 millions ou 800,000 francs par kilomètre. Les recettes, heureusement, dépassèrent de beaucoup, ainsi que les dépenses, les prévisions. L’impulsion était donnée et ne se ralentit pas. À la fin de 1830, l’Angleterre avait autorisé 567 kilomètres de voies ferrées, dont 279 étaient en exploitation ; trois ans plus tard, les kilomètres autorisés atteignaient le chiffre de 963, et l’on en comptait 356 exploités. C’était l’industrie privée seule qui non-seulement avait donné l’élan, mais, sans aucune aide de l’état, tout exécuté. Le promoteur de toutes ces œuvres était un simple ouvrier ou contre-maître, un self made man, comme disent les Anglais, un autodidacte, comme on dit encore, fils de parens indigens, tour à tour conducteur de chevaux, surveillant de voies, raccommodant le soir les pendules et les montres, George Stephenson, traité de visionnaire ou d’excentrique, et qui, dans presque aucun pays, n’aurait pu être ingénieur de l’état.

Aux États-Unis comme dans la Grande-Bretagne, les chemins de fer procèdent presque uniquement de l’initiative privée. Le plus ancien railway américain, long de 5 kilomètres à peine, apparaît, de 1825 à 1 828, dans le Massachusetts. Un autre, embryonnaire aussi, long de 30 kilomètres, fonctionne en Pensylvanie vers 1829. La première ligne importante, celle de Baltimore à l’Ohio, longue de 93 kilomètres, s’ouvre en 1832. Beaucoup de tronçons existaient déjà, et, depuis lors, les constructions se multiplient. En 1833, près de 1,200 kilomètres, trois fois plus qu’en Angleterre, étaient exploités dans l’Amérique du Nord, pays qui, à cette époque, possédait peu de capitaux ; mais il savait admirablement s’en servir, en les épargnant et en en tirant le maximum d’utilité : le coût kilométrique ne dépassait pas en moyenne 100,000 francs. Plus tard, et pendant une courte période, quelques-uns des états qui composent la fédération de l’Amérique du Nord accordèrent quelques subventions aux entreprises de chemins de fer, l’état de New-York, par exemple, 31 millions pour le railway d’Hudson. Quelques autres l’imitèrent : il en résulta du gaspillage, et même la suspension des paiemens de plusieurs états, celui de Pensylvanie notamment. On revint bientôt de cette fâcheuse pratique. Le gouvernement fédéral s’interdit toute dotation en argent ; il ne se permit plus que des allocations de terres aux compagnies de voies ferrées, système