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Jusqu’à ce jour, cette assemblée des hauts généraux de l’armée était présidée par le plus ancien d’entre eux. C’est en effet un principe fondamental de l’organisation militaire que les personnes se hiérarchisent suivant leur grade, et suivant leur ancienneté dans le même grade. Ce principe était absolu en temps de paix et ne supportait d’exception qu’en cas de guerre. Or voici qu’il n’existe plus et qu’il est aboli par la volonté d’un ministre, lequel a décidé que la réunion des généraux membres du conseil supérieur de la guerre et des généraux commandant les corps d’armée serait présidée par un général autre que le plus ancien, sous le prétexte latent que ce général possède une lettre de service qui, en cas de guerre, le nomme généralissime des armées. Les généraux atteints par cette mesure pouvaient porter devant le conseil d’état une réclamation qui en serait probablement sortie triomphante. Ils ont préféré s’incliner en silence devant la volonté du ministre et donner ainsi à l’armée un exemple d’abnégation et de discipline. La violation du principe n’en reste pas moins réelle.

Cette innovation illégale met en évidence la nécessité d’avoir enfin des grades particuliers, correspondant à des fonctions, qu’une convention de chancellerie est insuffisante à hiérarchiser. Le général qui commande un corps d’armée devrait avoir un grade supérieur à celui de ses généraux de division ; le général membre du conseil supérieur de la guerre commandant d’armée a un grade supérieur à celui des généraux de corps d’armée; enfin le généralissime doit aussi être à un rang hiérarchique militairement supérieur aux généraux d’armée, à moins qu’on n’ait choisi pour ces fonctions le plus ancien d’entre eux.


A cet arbitraire dans la hiérarchie des personnes au gré d’une fantaisie politique, il ne manquerait que d’ajouter celui du maintien indéterminé des généraux de division au-delà de la limite d’âge de soixante-cinq ans.

Il était en effet question de conserver en activité au-delà de ce terme fatal, non-seulement des généraux membres du conseil supérieur de la guerre, mais aussi des généraux commandans de corps d’armée, mais encore de simples généraux de division, sans même pouvoir invoquer en leur faveur cette apparence de raison légale qu’ils avaient « commandé en chef devant l’ennemi. » Assurément il est pénible de voir disparaître, jouissant encore de la vigueur de son intelligence, le chef qui a montré, à la tête du plus important de nos corps d’armée, de hautes capacités militaires, et qui par deux fois a témoigné de la dignité de son caractère en refusant le portefeuille de la guerre. Mais, pour une personnalité de valeur