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leurs affaires, de leurs entreprises coloniales et de leurs budgets. Tout semblerait provisoirement assez paisible sur notre continent fatigué, s’il n’y avait de tristes polémistes toujours occupés à chercher des querelles ou à susciter des incidens, à interpréter les moindres paroles, à prêter des discours aux uns ou aux autres, au général Gourko à Varsovie, ou à M. le général de Miribel, qui vient de recevoir le commandement de nos frontières de l’Est.

La vérité est que, pour le moment, dans la vie européenne, tout semblé se réduire aux affaires qu’on ne peut pas éviter, et que, s’il y a des incidens, — comme il y en a toujours, — il n’y a aucun signe précis d’une aggravation immédiate ou Imminente dans la situation générale. En Allemagne, à part ces élections prussiennes qui viennent de se faire, et qui ne semblent pas avoir sensiblement changé la composition du Landtag, on pourrait dire que ce qu’il y a encore de plus curieux à observer, c’est le commencement d’un règne qui ne date que de cinq mois ; c’est l’attitude, la manière d’être de ce jeune souverain qui s’essaie au commandement, à la représentation impériale. Quel est au vrai le caractère de ce prince nouveau-venu ? Quelles idées, quelles velléités porte-t-il dans le gouvernement d’un grand empire ? Dans quelle mesure concilie-t-il la déférence qu’il témoigné au vieux chancelier, au grand solitaire de Friedrichsruhe, avec son indépendance ou son humeur personnelle ? Il est certain, il est visible que jusqu’ici le petit-fils de Guillaume Ier, dans ses voyages, dans toutes ses actions, s’est montré un peu impatient, un peu agité, ou, si l’on veut, un peu jeune. Il est allé à Vienne, et il n’a peut-être pas su mesurer suffisamment les témoignages de les antipathies ou de ses préférences. Il est allé à Rome, et, s’il a eu tout ce qu’il pouvait désirer, les démonstrations, les ovations, les acclamations, il a été un peu incohérent, un peu décousu. Il a été visiblement embarrassé au Vatican, et il n’a peut-être pas été toujours heureux dans ses paroles au Quirinal. À peine rentré à Berlin, il a fait une querelle aux délègues de la municipalité au sujet des discussions des journaux sur les affaires de la famille impériale ; il s’est engagé personnellement, par le journal officiel, dans une sorte de polémique, au risque de provoquer des contradictions et de laisser trop voir une mauvaise humeur stérile. Ce n’est pas tout : au même instant s’est produit un autre incident caractéristique. Des industriels de Berlin ont cru pouvoir exposer des photographies représentant l’empereur Guillaume Ier et l’empereur Frédéric III sur leur lit de mort. La police est aussitôt intervenue pour interdire l’exposition publique de la photographie de Frédéric III ; on dit même que ceux qui ont voulu acheter, dans l’intérieur des magasins, cette image commémorative, ont été obligés de donner leur nom. C’était assez bizarre. Il y a évidemment, en tout cela, une certaine