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décisive, avaient subi son influence. Le 7 avril, le gouverneur le reçut solennellement dans la cour de son palais. Là, en présence du meufti et des oulémas, Si-Djoudi et ses adhérens jurèrent sur le Coran de chasser de leurs montagnes Bou-Baghla et tous les fauteurs de guerre, d’ouvrir au commerce l’accès de leurs marchés, d’accueillir amicalement les colonnes françaises; après quoi Si-Djoudi fut proclamé bach-agha du Djurdjura et revêtu du burnous d’investiture. C’était assurément un grand pas fait vers la soumission de la Kabylie; mais il y avait encore loin de la réalité aux apparences.

Si le ministre de la guerre en avait voulu croire le gouverneur de l’Algérie, on en aurait tout de suite fait l’épreuve. Le général Randon avait un plan pour soumettre le Djurdjura; mais Saint-Arnaud, qui, au fond de sa pensée, voulait se réserver l’entreprise, la jugea prématurée, s’y opposa formellement, et n’autorisa qu’une opération excentrique, comme celle qu’il avait dirigée lui-même en 1851, à savoir une expédition sur Collo.

Forcé de renoncer à l’exécution immédiate de son projet favori, le général Randon ne laissa pas d’en préparer indirectement les chances. Sous le prétexte d’empêcher la Grande-Kabylie de venir en aide à la Petite, il la fit investir sur ses deux flancs par deux colonnes, l’une à l’ouest, sous les ordres du général Camou, l’autre à l’est, sous les ordres du général Maissiat. Non-seulement elles devaient observer, celle-ci la vallée de l’Oued-Sahel, celle-là les abords du plateau de Boghni, mais leur plus importante mission était, pour la première, d’établir une communication entre Dellys et Aumale, par Bordj-Mnaïel, Dra-el-Mizane et Bordj-Bouira, avec des amorces transversales de Bordj-Mnaïel sur Tizi-Ouzou, et de Bordj-Bouira sur Beni-Mansour; pour la seconde, d’améliorer et de rendre partout carrossable la route ouverte, en 1850, de Sétif à Bougie. C’est pourquoi ces deux colonnes reçurent des effectifs assez élevés pour leur permettre de fournir chaque jour un nombre suffisant de travailleurs.

Le général de Salles venant d’être nommé divisionnaire et rappelé en France, ce fut le général de Mac-Mahon, son successeur au commandement de la division de Constantine, qui reçut la direction de l’opération sur Collo. La colonne active, réunie à Mila, était forte de 6,500 hommes, en deux brigades, sous les ordres des généraux Bosquet et d’Autemarre. La cavalerie, dont le rôle devait être bien peu actif dans un pays très accidenté, se réduisait à deux escadrons, un de chasseurs d’Afrique, l’autre de spahis. Une seule batterie de montagne avait été jugée suffisante.

Sorti de Mila le 12 mai, le général de Mac-Mahon était, le 15, en plein pays kabyle. Il n’y eut d’abord que des fusillades de nuit