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qui ne touchent pas à la sûreté publique, les constructions et la salubrité par exemple, la ville, en vertu d’une loi de 1879, est consultée sur les règlemens nouveaux.

Malgré les embellissemens réalisés depuis vingt ans, malgré son chemin de fer métropolitain, Berlin demeure bien inférieur à Paris au point de vue de l’hygiène, du logement des classes peu aisées. Quand on songe qu’en 1880 il y avait 25,000 logemens dans les caves, dont la plupart submersibles en hiver, 3,230 logemens dépourvus de tout moyen de chauffage, on regrette que la municipalité n’ait pas directement agi pour corriger un mal dont elle ne méconnaît point la gravité. C’est une ville neuve, mal servie par une nature marâtre, laborieuse et monotone, bien outillée pour l’industrie moderne ; elle n’est pas, elle ne sera jamais une capitale du monde artistique et élégant ; ce n’est pas un centre, c’est une tête ou plutôt un casque, la capitale de cette Prusse que le poète appelle « Tartufe entre les états. » Il faut aussi le reconnaître, elle dispose d’un budget bien modeste (34 millions à peine) en comparaison du budget parisien, qui, en 1889, paraît devoir dépasser le chiffre de 320 millions. Ce budget se divise en deux catégories : les services généraux, tels que police, voirie, instruction, assistance publique ; les services industriels, marchés aux bestiaux, abattoirs, eau, gaz, égouts. La source qui l’alimente, c’est l’impôt direct. Berlin n’a d’octroi ni au profit de l’état ni au profit de la ville; aussi la vie y est-elle, ou plutôt semble-t-elle très bon marché, car, les salaires étant peu élevés, les ouvriers vivent moins bien qu’à Paris, où la cherté des alimens correspond à une augmentation sensible de la paie. La commune impose les loyers que l’état n’impose point, et, comme celui-ci, perçoit une taxe sur le revenu, taxe supplémentaire destinée à équilibrer le budget, figurant à celui de 1885-1886 pour 14,680,000 ; elle atteint environ 3 pour 100 sur les revenus supérieurs à 3,750 francs, et s’abaisse progressivement jusqu’à 3 fr. 75. Tandis que l’impôt foncier est réel, à la charge du propriétaire, l’impôt des loyers est personnel et pèse sur le locataire. Les divers impôts municipaux ont produit, en 1886, un total de 33,940,000 francs, c’est-à-dire 27 francs en moyenne par habitant. On sait que l’impôt des loyers amena une brouille entre la ville et le prince de Bismarck, qui, dans un discours prononcé le 4 mars 1881, se plaignit d’être taxé pour la somme de 23,000 marcs et menaça de transporter ailleurs les pouvoirs publics. Cette boutade n’eut d’autre suite qu’une loi qui exempta de l’impôt les fonctionnaires de l’état.

On raconte que, vers l’année 1840, un médecin de Gœttingue ordonna le séjour de Vienne à un savant qui avait usé ses forces physiques et intellectuelles dans les transcendantales recherches