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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/618

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de 20 millions. Tandis que le service des anciens emprunts nécessitait une annuité de 9,425,000 francs, les intérêts et l’amortissement du nouvel emprunt n’exigent qu’une rente annuelle de 8,625,000 francs.

Bruxelles même ne représente dans Bruxelles qu’un noyau d’environ 175,000 habitans sur une population totale de près de 500,000. Cette capitale se compose, en effet, d’une agglomération de communes absolument indépendantes : il y a huit faubourgs, ayant chacun son bourgmestre, ses échevins, son conseil communal, sa police, sa garde civique, ses règlemens, ses impôts; leur administration n’a rien de commun avec Bruxelles, n’intervient en rien dans son budget, et éclate souvent en conflits avec sa municipalité. Les efforts tentés en faveur de l’annexion ont échoué, les deux partis, cléricaux et libéraux, craignant d’ériger, en face du gouvernement, un état dans l’état.

La municipalité de Bruxelles a trente et un conseillers communaux élus pour six ans, renouvelés par moitié tous les trois ans ; depuis de longues années, le parti libéral est maître de l’hôtel de ville. A l’avant-dernière élection, la fraction avancée du parti y avait introduit deux représentans du parti ouvrier, avec lequel elle avait conclu un pacte électoral, bien que le programme ouvrier soit franchement socialiste. Mais, en octobre 1887, les libéraux modérés ont repris le dessus et remplacé les deux socialistes par un conseiller ouvrier, chef d’atelier d’un journal, qui s’est séparé des socialistes et des républicains, et que le « parti ouvrier » a, pour ce fait, solennellement exclu de ses rangs. Quant aux conseils communaux des huit faubourgs, ils ont, sauf un, une majorité libérale, et deux ou trois ouvriers ou bourgeois ouvriérisans.

La tutelle administrative[1] exercée par le roi, le gouverneur et la députation permanente, est, légalement, assez sévère; mais l’esprit d’indépendance des communes reste très puissant, et, comme me l’écrivait un publiciste distingué, M. George Vautier, il a pour contreforts l’opinion publique, encore éprise de la tradition des communiers flamands, et les quatre libertés cardinales : liberté de la presse, liberté des cultes, liberté de l’enseignement, liberté d’association. On a vu de grandes et de petites communes tenir tête au gouvernement pour des vétilles, et il en a toujours coûté cher aux cabinets qui ont voulu briser ces résistances.

  1. Il n’y a pas en Belgique de police de gouvernement : la police, bien que les commissaires soient nommés par le roi et reçoivent des ordres des parquets, est entièrement aux mains de l’autorité communale. Quant à la garde civique, dont la composition ressemble à celle de l’ancienne garde nationale française, elle est aussi organisée par communes, et, sous les ordres des bourgmestres, forme une véritable armée communale.