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parce qu’il a trouvé plus agréable de laisser à d’autres le premier ennui de leur contact. Comme Chérif-Pacha, Riaz-Pacha a toujours voulu une Égypte autonome et en conquérir l’indépendance par les voies administratives, par des fonctionnaires à sa dévotion. Au pouvoir, Riaz-Pacha a déjà montré de grandes et belles qualités. Il aime la justice; il a de l’énergie, et défendra qu’on opprime l’indigène, aussi bien celui des villes que celui des champs. Le fellah aura en lui un protecteur qui ne lui ménagera pas son aide. Il voudra administrer vigoureusement, ce que n’aurait jamais pu faire Chérif-Pacha, qui inclinait toujours du côté de la douceur. Nubar-Pacha, un rageur pourtant, qui a senti que la violence ne lui réussirait pas, a manœuvré, lui aussi, avec douceur et patience, mais il n’a pu se contenir jusqu’au bout, et, en éclatant, il s’est perdu. Souvent il en est revenu de plus loin, et soyez persuadé qu’il reprendra le pouvoir, ne serait-ce que pour se venger des Anglais, qui, dans cette dernière crise dont il a été la victime, l’ont planté là comme il est dit vulgairement.

Riaz-Pacha ne croyait pas que la présence des étrangers fût nécessaire en Égypte. Son opinion était que le pays se gouvernerait facilement sans eux et d’après ses propres lois. Il consentirait volontiers à la surveillance et au contrôle des grandes puissances. C’est, en effet, ce qui me paraît être la solution pratique, jusqu’au jour où l’Égypte pourra se guider seule.

Un véritable crève-cœur, c’est d’entendre un homme aussi considérable que Riaz vous dire que c’est à la France, à l’inexpérience de ses agens, comme à leur inhabileté d’alors, à son refus d’intervenir avec l’Angleterre, que sont dus les massacres d’Alexandrie et la nouvelle plaie qui afflige son pays sous forme de protectorat. Si une entente s’était produite entre les deux nations, aucune atrocité, m’a-t-il affirmé, n’eût été commise. Et puis, cette population d’Alexandrie est composée d’élémens si mauvais et si divers : Arabes et indigènes de la pire espèce, Grecs, Italiens, Maltais et Calabrais de la plus basse extraction ! Toutefois, les premiers n’ont jamais eu d’armes à feu, et les autres ne sont à craindre que lorsqu’ils jouent du couteau après avoir joué au baccarat dans les bouges avoisinant la place des Consuls, dans ces brasseries à femmes et à roulette qu’on trouve là dans leur plus hideuse floraison.

Il ne croit pas que de nouveaux troubles soient à craindre, pas plus que le retour des causes qui les motivèrent. Ce qui, selon lui, irrite davantage les véritables croyans, c’est le grand nombre des missionnaires anglais et américains, jésuites français et italiens, frères de la doctrine chrétienne, sœurs de Sion et autres, qui envahissent