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L’IMPÉRATRICE PRINTEMPS

J’ai tramé quelques intrigues, je l’avoue, pour être invité chez cette presque invisible impératrice, que je rêve de voir à cause de son invisibilité même.

Et j’ai réussi, car je tiens entre mes doigts une grande enveloppe à moi adressée, au revers de laquelle je reconnais les armes impériales : cette sorte de rosace, simple et étrange, qui orne les monnaies, le faîte des monumens publics, le voile des temples, et qui est la représentation conventionnelle du chrysanthème, — comme était, sur nos bannières de France, la représentation du lis.

Je l’ouvre, et j’en retire un carton d’un blanc ivoire, timbré, lui aussi, d’un chrysanthème héraldique d’or et encadré d’une fine guirlande de chrysanthèmes ordinaires à feuillages d’or. L’aspect de cette invitation fait, à lui seul, présager quelque chose de rare et d’exquis. Au milieu, il y a naturellement un indéchiffrable grimoire, qui est disposé en petites colonnes verticales et dont la lecture, au rebours de toutes nos notions, doit être faite de haut en bas.

Cela signifie : « Par ordre de Leurs Majestés l’empereur et l’impératrice, j’ai l’honneur de vous inviter à venir au jardin du palais d’Akasaba voir les fleurs de chrysanthème.

Signé : « Hito Hirobouni, ministre du palais.

« Le 4e jour du 11e mois de la 18e année Mesgi » (9 novembre).

Et un second carton, plus petit que le premier, porte ces indications pratiques : « Les voitures devront entrer par la porte impériale. S’il pleut le 9, la fête sera le 10 ; s’il pleut le 10, la fête sera supprimée. »