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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/927

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présenté. Cette organisation défectueuse des tribunaux locaux, la procédure qu’on y suit, l’insuffisance judiciaire des magistrats, la modicité des émolumens des employés, l’absence d’un contrôle exercé sur les greffes, éveillent chez plusieurs de ces fonctionnaires des appétits qu’ils ne peuvent satisfaire qu’en faussant la justice déjà boiteuse. C’est ce qui est cause, parfois, que des plaideurs honnêtes, ayant confiance dans leur bon droit, demandent, avant d’entreprendre un procès, s’ils peuvent le faire appuyer par une influence quelconque, personnelle ou vénale; ils cherchent pour lui confier leurs intérêts l’homme d’affaires qui a les meilleures relations avec les employés, voire avec les magistrats. Il est inutile d’ajouter qu’il en est de même chez la partie adverse. Ce n’est plus qu’une lutte d’influence.

Quant à la procédure des tribunaux locaux dans l’ordre pénal, elle est tout aussi défectueuse : sans aucune notion juridique, sans code d’instruction criminelle, sans autre guide que sa capacité plus ou moins douteuse et son honnêteté plus ou moins prouvée, un simple écrivain se livre à la première instruction du procès. Aucun ministère public ne surveille l’instruction. Quelle que soit la position prise par le dénonciateur ou la victime d’un crime, les employés de la police d’abord, ceux du tribunal ou de la cour ensuite, dirigent les causes, et leur donnent l’issue que comportent leur capacité, leur honnêteté et leur intérêt.

Reste la question de l’instruction publique. L’insuffisance d’instruction n’existe plus depuis plusieurs années, et, sur cet important sujet, le khédive a voulu donner satisfaction aux pétitionnaires. Les Anglais ne s’en sont nullement occupés, par la raison bien naturelle que le budget de l’instruction publique est le plus maigre de tous les budgets. Là, rien à glaner.

L’Union de la jeunesse égyptienne, ayant passé en revue les souffrances de son pays, indique les réformes qui lui paraissent les plus propres à le relever. La plus sûre, d’après elle, serait la séparation des pouvoirs. Avec ce système, l’inviolabilité du souverain est assurée, et la nation prend une part active aux affaires publiques. Le parti national fait encore ressortir cette vérité de La Palice, qu’un gouvernement absolu tel qu’il existait avec Ismaïl-Pacha peut avoir des conséquences funestes,.. et il est probable que l’ex-khédive n’y contredit pas ; que c’est seulement avec la séparation des pouvoirs que l’initiative individuelle se développe, réveille l’amour du pays, de la justice et de la liberté dans les cœurs bien nés. Une loi organique devrait donc consacrer les principes suivans : inviolabilité de la personne du chef de l’état et définition de ses droits ; — division des pouvoirs en pouvoir exécutif, pouvoir représentatif et