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donnons-le plutôt au livre de Mme de Witt : les Femmes dans l’histoire[1]. Comme le titre l’indique assez clairement, c’est une série de biographies ou de portraits de femmes, depuis Sainte Geneviève et Sainte Clotilde jusqu’à Mademoiselle de Sombreuil et jusqu’à la Marquise de Lafayette. Plus encore que la connaissance ou la science de l’histoire dont elles témoignent, plus encore que le talent d’écrivain et de peintre qui ne s’y montre point, mais qu’on y reconnaît bien tout de même, j’aime surtout l’intention et l’inspiration dont ce livre procède. « Les femmes qui ont besoin de réclamer leurs droits, n’ont pas su se servir des moyens d’action qui leur appartenaient en propre, elles n’ont pas su se faire une force des devoirs qu’elles devaient naturellement et nécessairement accomplir. » On ne saurait mieux penser ni mieux dire.

Il n’y a point de « moralité » au beau livre de M. Germain Bapst sur l’Histoire des joyaux de la couronne de France[2], ou du moins, si l’on en voulait tirer une, il faudrait parler beaucoup. Mais c’est une étude historique du plus rare intérêt, et qu’il faut avoir lue pour en apprécier, je dirais la richesse ou la valeur, si je n’avais l’air de vouloir jouer sur les mots. « N’y a-t-il pas lieu, en effet, d’être étonné d’apprendre qu’au XVIe siècle l’un des joyaux de la couronne a été estimé à la valeur de la possession de Calais ? que l’histoire de ces joyaux constitue à elle seule, vers la même époque, l’histoire financière de la France ? que si Henri IV parvint à pacifier le pays et à en chasser les étrangers, il dut en partie le succès de son œuvre aux ressources que lui procurèrent les pierreries de la couronne ? et que ces pierres enfin furent pour quelque chose dans les victoires d’Arcole et de Marengo. » M. Bapst a raison, et son livre le prouve. Nous ajouterons seulement pour notre part que cette histoire des joyaux de la couronne, si singulièrement et si étroitement liée à notre histoire générale, nul ne pouvait mieux l’écrire, pour vingt bonnes raisons que l’on sait, si ce n’est M. Germain Bapst; et qu’il s’est plus qu’habilement tiré d’un sujet difficile à traiter.

Les ouvrages relatifs à l’histoire de l’art ne sont pas nombreux cette année, mais ils sont excellens, ce qui ne veut pas dire qu’ils fussent mauvais ou médiocres l’an dernier. Bien au contraire, et depuis déjà longtemps, sans compter qu’il n’y en a guère à qui l’illustration convienne mieux, puisqu’elle fait partie de leur définition même et que l’on ne les conçoit pas sans n images, » le concours de quelques grands éditeurs et de quelques écrivains d’une valeur singulière en a fait, parmi les livres d’étrennes, les plus solides et les plus intéressans qu’on puisse lire. A la vérité, ce n’est pas à un Français que nous

  1. Hachette, 1 vol. in-8o.
  2. Firmin-Didot, 1 vol. in-8o.