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et pour cause : 55 officiers supérieurs anglais, — du grade de major à celui de général en chef, — reçoivent pour leur part 953,000 francs, soit une jolie moyenne de plus de 17,000 francs. 30 sous-officiers anglais touchent, de leur côté, 124,746 francs ; c’est donc, pour chacun d’eux, la jolie paie de 4,158 francs. C’est tout simplement monstrueux, et quand Gordon s’écrie que l’Égypte est la proie de vautours, il dit vrai. Avec de pareilles soldes à payer annuellement, on comprend sans peine pourquoi les Anglais de tous grades aiment un séjour en Égypte, d’autant plus que tout cela est agrémenté d’indemnités de fourrages et de logemens. 415 officiers égyptiens, — capitaines, lieutenans et sous-lieutenans, — ont une solde moyenne de 3,000 francs. Enfin, la troupe, composée de 8,612 sous-officiers, caporaux, soldats et un millier de femmes, ne coûte que 1,160,000 francs ; un peu plus de 200,000 francs plus cher que tous les officiers et sous-officiers de la Grande-Bretagne séjournant en Égypte.

Dans une contrée protégée par de la gendarmerie et de la police anglaise, on doit payer un haut prix l’avantage de n’être ni volé ni assassiné, et, en effet, les deux corps organisés militairement, ne comprenant pas moins de 7,302 individus de tous grades, reviennent à 6,200,000 francs. C’est un abus criant, d’autant plus que jamais on n’a été plus volé ni plus assassiné. Là-dessus, tout le monde est d’accord.

Les pensions que le gouvernement accorde très libéralement aux fonctionnaires de toutes nationalités ayant été à son service, grèvent aussi très lourdement le budget. Ici, du moins, personne ne songera à crier au scandale, à dire que, s’il est utile de protéger un peuple contre une anarchie imaginaire, on n’est pas pour cela autorisé à le dépouiller. Il n’y a pas moins de 17,633 pensionnaires ou employés et soldats retraités, émargeant par au 14,660,000 francs.

Le tribut que l’Égypte paie à la Sublime-Porte et ce qu’il lui faut débourser pour les intérêts de sa dette n’absorbent pas moins de 50 pour 100 des revenus du pays. J’en trouve la preuve dans le budget de l’année courante :


Tribut payé à la Porte 16.953.000 fr.
Tribut payé à ville de Cavala, où Méhémet-Ali naquit 5.500
Tribut pour la ville de Zeila 34.000
Dette garantie 3 pour 100 7.831.000
Dette privilégiée 5 pour 100 27.717.000
Dette unifiée 4 pour 100 55.682.000
Intérêts des actions du canal de Suez 5.044.000
Service de la dette daïra Khassa 867.000
Annuité de la moukabala 3.825.000
Complément des ressources nécessaires au service des emprunts domaniaux et de la daïra Sanieh 8.925.000
Soit un total de 126.883.500 fr.