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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/315

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partielles ; on compte plus sur ces deux forces générales et soudaines : le pouvoir réglementaire et le pouvoir fiscal de l’état.

Ce recours séduit les esprits légers. Les gouvernemens s’y sentent quelque inclination ; comme tous les êtres, ils n’ont aucun éloignement à accroître leur importance. Les partis politiques qui se disputent l’état, quelle que soit l’étiquette sous laquelle ils combattent, radicaux, conservateurs, progressifs, libéraux, ont tous besoin d’augmenter leur prise sur le corps électoral ; la promesse qu’il n’y aura plus de pauvres est une de celles qui, constamment démenties, caressent toujours les intérêts et les sentimens du grand nombre. Il est difficile de ne pas la prodiguer dans cette surenchère d’illusions qu’on appelle une lutte électorale.

Il faudrait, avant tout, étudier les données générales du problème. On entend spécialement par le paupérisme une situation sociale où la pauvreté s’offre avec une grande extensivité, une grande intensité et une fréquente hérédité : des indigens très nombreux, excessivement misérables, beaucoup d’entre eux provenant de parens pauvres et faisant souche de pauvres. Trop de personnes attribuent cette plaie à une cause unique, ou tout au moins à quelques circonstances qu’il dépendrait de la société d’écarter. Stuart Mill, par exemple, et toute une école avec lui, n’y voient que la conséquence d’un excès de population ou de l’imprévoyance avec laquelle des ouvriers, sans ressources assurées, fondent des familles. D’autres s’en prennent à l’indifférence sociale, au manque d’éducation, au poids des impôts, à ce que l’ouvrier ne possède pas ses instrumens de travail, ou bien encore à ce qu’il est dépourvu des « quatre droits primitifs, » dont la perte, aux yeux de Considérant, devait avoir pour compensation le droit positif au travail. Ces prémisses admises, les remèdes devenaient aisés. Stuart Mill fait une hypothèse qui concorde avec sa conception de la cause principale du paupérisme ; on pourrait, suppose-t-il, éteindre le paupérisme pour une génération et l’empêcher de renaître, en procurant de l’ouvrage aux pauvres, en les y contraignant même, en les transportant dans des contrées neuves où la terre abonde, le climat est sain et le sol de bonne qualité, en rachetant même en Angleterre les latifundia pour les dépecer en petits domaines. Par la pratique de ce plan complexe, avec persévérance et méthode, on détruirait le paupérisme pour une génération ; puis on l’empêcherait de renaître par la réglementation des mariages, l’interdiction des unions précoces ou sans ressources, la punition rigoureuse des excès de fécondité. On sait qu’un des principaux hommes d’état anglais contemporains, M. Chamberlain, avec son projet « des 3 acres et de la vache, » emboîtait le pas au grand théoricien, pour la première partie du moins de son projet.