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LE TESTAMENT DU DOCTEUR IRNERIUS.

pensée, c’était que l’heure était venue, celle de la révélation du secret tourmentant de cette vieille maison ; l’heure de l’accomplissement de mon serment qui allait cesser de m’entraver ; l’heure de la délivrance du spectre plaintif de mon pauvre oncle Irnerius, et enfin celle de la guérison de tous les germes de folie de ma solitude.

Et, aussitôt que ces idées se furent précisées dans ma tête, j’entendis clairement, comme si un écho l’eût répété, ce que la jeune fille venait de dire : — S’il est parti, où est-il allé ?

Maintenant, j’étais tout à fait éveillé.

— Oui, mademoiselle, il est parti, mais il m’a chargé d’une commission pour vous.

Elle se tenait devant moi, tout ahurie.

— Pour moi ? Est-ce que vous me connaissez ? demanda-t-elle en me regardant fixement.

La réalité me rendait confus.

— Non, mademoiselle, mais veuillez monter, et je vous donnerai les explications dont M. le docteur Irnerius m’a chargé pour vous.

Elle me regarda de nouveau.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

Mais déjà toute rassurée et paraissant résolue, elle s’avança vers moi, se disposant à monter. Il y avait beaucoup de décision, de hardiesse et de fermeté méridionales chez cette délicate et charmante jeune fille.

— Fiez-vous à moi, lui dis-je en plongeant mes regards fascinés dans ses yeux divins. Je m’appelle Erwin Imhof et suis le neveu du docteur, qui m’a confié cette maison.

— Moi, je m’appelle Angélina Irnerius, dit-elle d’une voix plus douce.

Et, tout en grelottant, elle prit mon bras, que je lui venais d’offrir.


J’avais attisé le feu de ma chambre ; il y faisait chaud, et le vent qui ronflait dans le haut de la cheminée rendait la chaleur encore plus sensible et plus agréable. J’avais allumé une seconde bougie, et les murs sombres prenaient maintenant un air gai et confortable, comme jamais auparavant. Je n’aurais jamais cru que cette vieille maison pût offrir un intérieur aussi charmant. Pour la première fois, je me sentais tout à fait chez moi, et mon cœur, malgré le trouble, l’incertitude et la surprise que j’éprouvais, était infiniment plus tranquille qu’il ne l’avait été depuis longtemps. Il était maintenant lui-même, avait un devoir, un but, enfin une compagne.