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Tremaria, Gina, de Penhoë. Mais en feignant l’amour, les jeunes personnes s’y laissent prendre, surtout Gina, très bonne fille au fond et nullement traîtresse. Thisbé, moins promptement éprise, arrache d’abord à Tremaria l’aveu du complot, que la reine écoute, cachée derrière une tapisserie, et puis elle a des remords. Elle se désespère d’avoir trahi et perdu celui que maintenant elle aime et qu’elle voudrait sauver ; elle le supplie de lui pardonner. Mais tout s’arrange, parce que nous sommes à l’Opéra-Comique ; parce que les conspirateurs n’étaient que des conspirateurs relatifs, qu’ils voulaient conduire le roi seulement à Paris et non pas à Nancy (il y a, paraît-il, un abîme entre ces deux projets) ; parce qu’ils remettent à Catherine une lettre compromettante de son grand ennemi le cardinal de Lorraine. Tout cela est long, obscur et ennuyeux ; mais une chose est certaine ; c’est que Catherine de Médicis pardonne, qu’elle paraît très contente, et que tout le monde se marie.

Telle est la pièce, enfantine ou sénile, auprès de laquelle les Mousquetaires, également de la reine, sont une merveille de littérature et de musique, d’invention et de style. On ne s’y serait pas pris autrement pour parodier d’un seul coup le Pré aux Clercs et les Huguenots, les deux chefs-d’œuvre lyriques de l’époque Charles IX. N’y touchez plus, à cette époque, à moins d’y toucher avec discrétion, avec poésie. N’habillez pas les premiers fantoches venus avec le pourpoint de Raoul ou de Mergy. Si vous livrez un gentilhomme aux agaceries des fi îles d’honneur, qu’il ne leur réponde pas : Turlututu ! turlutulu ! comme le fait dans l’Escadron volant un lugubre Jocrisse d’opérette. Défiez-vous surtout de Marguerite de Valois ou de Catherine de Médicis. Tout le monde n’a pas le talent de faire parler les reines, encore moins de les faire chanter, et il y a loin d’un feuilleton sur la cour de Valois, que ne voudrait pas publier le Petit Journal, à la Chronique du règne de Charles IX, par Prosper Mérimée.

Quelle musique aurait pu sauver pareille littérature ! Celle de M. Litolff n’y a pas réussi. Avouons notre ignorance en archéologie : nous ne connaissons rien de M. Litolff : ni ses œuvres instrumentales, ni les Templiers, ni même Héloïse et Abélard. On a dit partout, depuis l’Escadron volant, que M. Litolff avait jadis donné de très belles promesses ; cela est possible. On a dit aussi qu’il ne les avait pas tenues ; cela est certain.

Non pas que la musique de l’Escadron volant soit mauvaise ; elle est plutôt inutile. Cette ouverture selon la formule, ces innombrables romances à deux couplets, ces duos méthodiques, ces chansonnettes d’une bouffonnerie navrante, et enfin cette inévitable pavane qui revient toujours dans les opéras comiques condamnés comme un fantôme dans les vieux châteaux où quelqu’un va mourir, tout cela n’est