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VERS KAIROUAN


11 décembre.

Nous quittons Tunis par une belle route qui longe d’abord un coteau, suit un instant le lac, puis traverse une plaine. L’horizon large, fermé par des montagnes aux crêtes vaporeuses, est nu, tout nu, taché seulement de place en place par des villages blancs, où l’on aperçoit de loin, dominant la masse indistincte des maisons, les minarets pointus et les petits dômes des koubbas. Sur toute cette terre fanatique, nous les retrouvons sans cesse, ces petits dômes éclatans des koubbas, soit dans les plaines fertiles d’Algérie ou de Tunisie, soit comme un phare sur le dos arrondi des montagnes, soit au fond des forêts de cèdres ou de pins, soit au bord des ravins profonds dans les fourrés de lentisques et de chênes-liège, soit dans le désert jaune entre deux dattiers qui se penchent au-dessus, l’un à droite, l’autre à gauche, et laissent tomber sur la coupole de fait l’ombre légère et fine de leurs palmes.

Ils contiennent, comme une semence sacrée, les os des marabouts qui fécondent le sol illimité de l’Islam, y font germer, de Tanger à Tombouctou, du Caire à La Mecque, de Tunis à Constantinople, de Khartoum à Java, la plus puissante, la plus mystérieusement dominatrice des religions qui ait dompté la conscience humaine.

Petits, ronds, isolés, et si blancs qu’ils jettent une clarté, ils ont bien l’air d’une graine divine jetée à poignée sur le monde par ce grand semeur de foi, Mohammed, frère d’Aïssa et de Moïse.

Pendant longtemps, nous allons, au grand trot des quatre chevaux