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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/546

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En sortant, nous traversons une troisième cour peuplée de jeunes gens. C’est une sorte de séminaire musulman, une école de fanatiques.

Toutes ces zaouïas dont le sol de l’Islam est couvert sont pour ainsi dire les œufs des innombrables ordres et confréries entre lesquels se partagent les dévotions particulières des croyans.

Les principales de Kairouan (je ne parle pas des mosquées qui appartiennent à Dieu seul) sont : zaouïa de Si Mohammed-Elouani ; zaouïa de Sidi-Abd-el-Kader-ed-Djilani, le plus grand saint de l’Islam et le plus vénéré; zaouïa et-Tidjani ; zaouïa de Si-Hadid-el-Khrangani; zaouïa de Sidi-Mohammed-ben-Aïssa de Meknès, qui contient des tambourins, des derboukas, sabres, pointes de fer et autres instrumens indispensables aux cérémonies sauvages des Aïssaoua.

Ces innombrables ordres et confréries de l’Islam, qui rappellent par beaucoup de points nos ordres catholiques, et qui, placés sous l’invocation d’un marabout vénéré, se rattachent au Prophète par une chaîne de pieux docteurs que les Arabes nomment « Selselat, » ont pris, depuis le commencement du siècle surtout, une extension considérable et sont le plus redoutable rempart de la religion mahométane contre la civilisation et la domination européennes.

Sous ce titre : Marabouts et Khouan, M. le commandant Rinn les a énumérés et analysés d’une façon aussi complète que possible.

Je trouve en ce livre quelques textes des plus curieux sur les doctrines et pratiques de ces confédérations.

Chacune d’elles affirme avoir conservé intacte l’obéissance aux cinq commandemens du Prophète et tenir de lui la seule voie pour atteindre l’union avec Dieu, qui est le but de tous les efforts religieux des musulmans.

Malgré cette prétention à l’orthodoxie absolue et à la pureté de la doctrine, tous ces ordres et confréries ont des usages, des enseignemens et des tendances fort divergens.

Les uns forment de puissantes associations pieuses, dirigées par de savans théologistes de vie austère, hommes vraiment supérieurs, aussi instruits théoriquement que redoutables diplomates dans leurs relations avec nous, et qui gouvernent avec une rare habileté ces écoles de science sacrée, de morale élevée et de combat contre l’Européen. Les autres forment de bizarres assemblages de fanatiques ou de charlatans, ont l’air de troupes de bateleurs religieux, tantôt exaltés convaincus, tantôt purs saltimbanques exploitant la bêtise et la foi des hommes.

Comme je l’ai dit, le but unique des efforts de tout bon musulman