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M. Renan, assez clairement énoncée pourtant dans son Histoire générale des langues sémitiques, faute aussi d’avoir senti ce que de semblables affirmations comportent toujours d’atténuations, de restrictions, de corrections ; faute enfin d’avoir sur la question de certaines lumières que lui seul peut-être était capable de nous donner, se rappelle-t-on encore avec quelle véhémence, et quelle éloquence, et quel vain étalage de science, on avait attaqué cette thèse du monothéisme sémitique ? Bien loin de l’abandonner, M. Renan, depuis lors, n’avait rien négligé pour la fortifier. Mais les deux premiers volumes de l’Histoire du peuple d’Israël l’auront mise hors d’atteinte ; d’abord, en nous montrant le monothéisme inhérent au caractère le plus caché de la langue hébraïque, impliqué dans l’horreur instinctive du Sémite, ou même du nomade, pour les représentations plastiques, favorisé par la simplicité, la nudité, l’uniformité des horizons du désert ; et surtout en nous faisant voir qu’aussi souvent la notion du Dieu un s’est obscurcie ou dégradée en Israël, aussi souvent on en trouve des causes purement historiques.

Elles sont de diverse nature. Le passage des tribus Israélites nomades à l’état fixe en est une première, leur concentration, si l’on peut ainsi dire, à l’état national. Pour qu’Israël conquît le monde, il fallait qu’il fût autre chose lui-même qu’une poussière de peuple perdue parmi les sables. Mais, en devenant une nation, et pour soutenir la concurrence de celles qui lui disputaient le droit d’exister, il ne le pouvait qu’en s’aidant contre elles de leurs propres moyens, dont la protection d’un Dieu national, exclusif et jaloux, — qui supposait les autres, puisqu’il leur était supérieur, — passait alors pour le plus efficace. Une autre cause d’affaiblissement ou d’éclipsé de l’idée monothéiste en Israël, ce fut le contact, la fréquentation, l’imitation des nations étrangères, de l’Égypte ou de l’Assyrie. Pendant le séjour d’Israël sur la terre d’Égypte, l’ancien culte, le culte patriarcal, le culte sommaire de la tente se matérialisa, glissa dans les observances, et le Dieu un, figuré sous les apparences de l’homme, borné dans son contour et limité dans ses attributions, se multiplia. « l’Égypte donna le veau d’or, le serpent d’airain, les oracles menteurs, le lévite, la circoncision, qui fut la plus grande erreur d’Israël et faillit un moment contrebuter ses destinées, » toutes les pratiques, en un mot, et toutes les institutions dont on peut dire qu’en particularisant les religions elles leur enlèvent ce qu’elles ont de divin. Enfin, nous pouvons ajouter que lorsque Israël eut des rois, la nécessité politique, en donnant à la tolérance des « faux dieux » une justification ou une excuse, contribua pour sa part à faire évanouir la notion du Dieu universel dans les fumées de l’encens qu’on offrait à Baal. Des alliances, des mariages, l’introduction