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ressemblance. Rappelez-vous ces figures si fines et d’une si lumineuse fantaisie qui formaient la décoration des thermes de Titus, et dont Raphaël, qui les avait vues, s’est servi avec une si gracieuse adresse pour les loggie du Vatican; rappelez-vous, aussi, à l’emplacement de cet ancien poste de police romain qui conserve encore son nom de Cohorte des vigiles, ces fines petites figures qui s’enlèvent sur leur fond d’ocre avec une telle légèreté et d’un mouvement, si naturel, que l’idée de pesanteur ne se présente pas à la pensée du contemplateur. Voilà la vraie ressemblance des allégories de Collins et ce qu’elles rappellent directement. Si maintenant nous cherchons la ressemblance de ces allégories dans la poésie même, ce qui est un moyen moins trompeur, nous la trouverons chez les poètes lyriques du pays et de l’époque où furent peintes les fresques que nous venons de nommer, et très particulièrement dans Horace. Tout romantique en germe qu’il fût, Collins connaissait ses classiques, et c’est évidemment par leur lecture répétée qu’il s’est assimilé leur art de présenter, de vêtir, de parer, de mettre en mouvement une allégorie. Prenez comme exemple telle ode d’Horace, celle à la Fortune si vous voulez, et voyez avec quelle rapidité d’oiseau passent sans appuyer jamais toutes ces vertus et abstractions :


Te spep, et albo rara fides colit
Velata panno...


C’est exactement ainsi que se présentent les allégories de Collins :


Long pity let the nations view
Thy sky worn robes of tenderest blue
And eyes of dewy light !


Et puis, enfin, pourquoi cette légèreté ne serait-elle pas simplement due aux exigences et aux lois mêmes du genre poétique pratiqué par Collins? Il est clair, en effet, que des allégories ne peuvent faire dans une ode la même figure que dans la poésie épique, où elles peuvent s’étaler à l’aise. Elles passent rapidement, par la raison qu’une ode, quelles que soient ses dimensions, est toujours courte, et elles sont légères par la raison que le mètre de l’ode est chantant, en sorte que, dans les qualités de ces allégories, il faut voir surtout une preuve de la connaissance très fine que Collins eut des lois de son art.

Nous avons insisté sur les mérites du poète sans rien dire de ses défauts, qui sont nombreux, et lui ont été durement reprochés, même par ses amis : obscurité, incorrection, dissonances, etc. Tout cela peut être vrai, mais il y a chez Collins un charme qui efface tous les défauts et en fait quelque chose de très secondaire et de