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du genre humain, en même temps que les plus importans employeurs de main-d’œuvre, parce que leurs services rendus au monde seront les plus utiles et les plus nombreux. Nous n’avons pas plus de titres à faire valoir contre les États-Unis que Venise, Gènes ou la Hollande n’en eurent autrefois contre nous[1]. » Ces brillantes promesses commencent à se réaliser. « L’Amérique, dit M. Carnegie, est aujourd’hui la première nation manufacturière du monde. » Ses produits défient la concurrence européenne par les bas prix de fabrication, grâce au perfectionnement des procédés et de l’outillage. Toute rivalité avec elle devient presque impossible sur les marchés neutres.

L’activité remarquable de la navigation sur les lacs et les fleuves est encore un élément de prospérité. Toutefois les Américains ont laissé l’Angleterre s’emparer du monopole presque exclusif de la grande navigation à vapeur. « Les trois quarts de nos transports maritimes se font sous pavillon étranger, » disait à New-York, en 1880, M. Sherman, alors ministre des finances (secrétaire du trésor)[2].

L’Amérique se montre fière de ses grands travaux. La liste en est longue et flatteuse, depuis l’ouverture du canal de l’Érié jusqu’aux énormes constructions destinées à fixer et à régler l’estuaire du Mississipi, « le père des eaux, » souvent irrité et formidable dans ses colères. Mais les Alpes traversées par les deux tunnels du Mont-Cenis et du Saint-Gothard, le percement de l’isthme de Suez et de l’isthme de Panama, un jour ou l’autre, sont l’œuvre des Européens et font bonne figure au tableau du progrès.

Que ne disent pas les Américains de la rapide construction et du vaste développement de leurs chemins de fer? C’est une belle entreprise, rondement menée. L’ensemble du réseau mesure près de 220,000 kilomètres. L’inventaire général des diverses compagnies comprend 19 milliards de francs d’actions à 2 pour 100 et 18 milliards 1/2 d’obligations à 4 3/4 pour 100. A travers des contrées où les routes n’existaient pas, où la terre était pour rien dans la majorité des parcours, la rapide exécution des voies ferrées était aussi aisée qu’avantageuse pour l’avenir du pays. Qui ne sait, d’ailleurs, les facilités de toute nature accordées aux compagnies? Rien que les terres publiques, prodiguées gratuitement en leur faveur par le gouvernement fédéral, égalent en étendue la superficie de huit des principaux états de l’Union, et dépassent en valeur la moitié de la dette nationale. De plus, l’or étranger a prêté largement

  1. R.-H. W. Gladstone, M. P., Kin beyond Sea.
  2. Discours prononcé au banquet annuel de la chambre de commerce de New-York