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acquis ou naturels aux mains d’une seule nation. Chacun en connaît au moins les principaux : le coton, le blé, le bétail, les mines d’or et d’argent, la houille, les huiles minérales, etc. Cette étonnante puissance de production est un phénomène unique au monde.

Nul n’ignore combien les succès agricoles des États-Unis ont été écrasans pour les cultivateurs des vieux pays d’Europe. Voici pourtant que les gros profits diminuent à cause de la concurrence des blés du Canada, de la Colombie et des Indes. Les vastes entreprises des Wheat et Bonanza farms, qui exploitent d’immenses espaces par la culture extensive, ne sont plus aussi fructueuses qu’autrefois. Quant aux petits ou moyens propriétaires, ils semblent se décourager, malgré les privilèges du homestead[1]. Plusieurs renoncent à leurs fermes qui ne rapportent même plus 15 pour 100 dans les régions de l’Est. L’élevage du bétail, toujours lucratif, doit lutter contre de nombreux concurrens d’autres contrées ; l’exportation des viandes en Europe ne se développe pas sans difficultés ni résistances. Si l’agriculture ne donne plus les incroyables bénéfices auxquels sont accoutumés les spéculateurs des États-Unis, elle reste assez florissante pour contenter les nouveaux immigrans, pour satisfaire largement à la consommation intérieure et subvenir à l’insuffisance de la production européenne.

Les Américains exaltent avec raison les progrès de leur industrie. Non-seulement ils ont cessé pour des articles de premier ordre, tels que le fer et la houille, d’être les tributaires de l’étranger ; mais ils exportent une grande quantité de leurs produits, et seraient en mesure d’en exporter bien davantage s’ils trouvaient des débouchés. Pour la fabrication de l’acier, entre autres, ils serrent de près l’Angleterre et espèrent la devancer bientôt. Il y a dix ans déjà, M. Gladstone constatait ce développement prodigieux et prévoyait que La primauté industrielle passerait aux cousins d’outre-mer. « Les États-Unis seuls nous enlèveront le sceptre du commerce, écrivait l’illustre homme d’état. Nous n’avons aucune raison, et je n’ai pour ma part aucune envie de murmurer contre cet avenir. S’ils obtiennent la supériorité, ce sera par le droit du plus fort, et, dans cette circonstance, le plus fort veut dire le meilleur. Ils deviendront, selon toute vraisemblance, ce que nous sommes actuellement, les premiers serviteurs et les pourvoyeurs en chef

  1. Le homestead est un lot de 160 acres ou 65 hectares environ, de terres publiques, accordé par la loi à tout Américain qui le réclame, à charge de le clôturer. Ce lot est insaisissable et à l’abri des poursuites pour dettes. Toutefois, la loi n’est pas absolue. Pour annuler ce privilège et pour emprunter avec garantie sur cette propriété, il suffit de la signature de la femme jointe à celle du mari.