Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/894

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Étudions l’effet chimique produit par le plâtrage. Il est impossible, a priori, de fournir une solution rigoureuse de ce problème, parce que le vin, encore une fois, constitue un mélange trop complexe; le gypse ajoute modifie plus ou moins, et très inégalement, l’équilibre mutuel de tous les principes, mais comment se faire une idée exacte des détails du phénomène? Autant vaudrait demander à un cuisinier que! effet produirait l’introduction d’un ingrédient nouveau dans un plat dont la recette serait compliquée ! Les savans se sont rappelé que la chimie se reliait, sous bien des rapports, aux sciences mathématiques, et, comme cela se pratique fréquemment en algèbre supérieure, ils ont eu recours à la méthode des approximations successives. Imaginons donc d’abord qu’en sus de l’eau, de l’alcool et d’un peu de glycérine, le vin ne renferme d’autre sel dissous que de la crème de tartre, hypothèse qui offre l’avantage de nous permettre de réaliser de toutes pièces des Liquides artificiels ainsi constitués, et sur lesquels nous expérimenterons. Ajoutons du sulfate de chaux : suivant la théorie préconisée par M. Chancel, recteur de l’académie de Montpellier, la crème de tartre est décomposée par le gypse, et il se forme du sulfate neutre de potasse, de l’acide tartrique libre et enfin du tartrate neutre de chaux. Le sulfate potassique reste en solution, ainsi que l’acide tartrique. Le tartrate de chaux, qui est insoluble, se dépose petit à petit, car la réaction n’est pas immédiate; les molécules, en se précipitant, entraînent avec elles diverses matières en suspension dans le vin; celui-ci, un peu éclairci et purifié comme par un collage, ne gagne ni ne perd en acidité. En somme, le traitement ainsi conçu ne présente pas grande utilité, tout en étant d’ailleurs inoffensif.

Mais, dans la pratique, on ne procède pas ainsi, et presque toujours, à Narbonne, à Béziers, à Aigues-Mortes, on saupoudre purement et simplement la vendange avec du plâtre. Que se passe-t-il alors? le même phénomène que celui déjà noté, avec cette différence que le marc, contenant une forte dose de crème de tartre, cède de ce tartre au vin nouveau à mesure que celui-ci, par l’effet du plâtrage, s’en dépouille progressivement. Au bout du compte, le liquide renfermera, comme dans le cas précédent, de l’acide tartrique libre et du sulfate de potasse; mais n’étant plus saturé de crème de tartre, grâce à l’addition de gypse, il aura été capable de dissoudre une bonne quantité de ce sel. À ce gain en bitartrate correspond un accroissement notable de l’acidité, ce que confirme un titrage alcalimétrique comparatif réalisé successivement avec deux vins parfaitement semblables : l’un absolument naturel, l’autre plâtré à la cuve. Or, si l’addition d’un principe