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liqueur, les muscats, les vins de Champagne et d’Anjou, ne sont pas rigoureusement naturels et subissent tous des préparations rationnelles ; mais, personne ne l’ignore, les négocians et les producteurs qui traitent ces liquides ne se cachent point du public et se gardent bien de nuire à la renommée de leurs produits en persistant à user de méthodes reconnues dangereuses ou en essayant des innovations maladroites. De plus, il s’agit de boissons fort chères, dont l’usage n’est pas régulier, dont l’abus serait peut-être nuisible à la longue, mais par la faute des consommateurs eux-mêmes et non par celle des producteurs. En dernier lieu, la routine séculaire de l’agriculture a vulgarisé certaines pratiques, et il serait singulier qu’au bout de tant d’années écoulées un procédé dont personne ne s’est jamais plaint fût brusquement interdit comme mauvais et nuisible.

A toutes ces considérations, que bien d’autres écrivains ont exposées avant nous et mieux que nous, on pourra opposer des argumens spécieux. On trouvera que la pente est dangereuse, et qu’à force d’encourager, d’autoriser, ou même de ne pas improuver telle ou telle manipulation, on en arrivera à laisser passer impunies les fraudes les plus dangereuses. que faut-il tolérer? Que faut-il permettre ?

La réponse est bien simple : il faut d’abord proscrire impitoyablement toute opération, quelle qu’elle soit, notoirement nuisible à la santé publique, et en second lieu considérer comme falsificateur tout propriétaire, négociant ou débitant qui ne donne pas son vin pour ce qu’il est réellement ; le mot « vin, » employé seul, désignant, comme nous l’avons déjà dit, « le produit pur de la fermentation du raisin frais. »


I.

Abordons en premier lieu une question qui a soulevé des controverses acharnées, et sur laquelle on est loin d’être complètement d’accord : la théorie du « plâtrage. » Il est d’usage, dans bon nombre d’exploitations du Bas-Languedoc, de saupoudrer les raisins de gypse ou de sulfate de chaux avant de les précipiter dans la cuve; quelquefois aussi on incorpore le plâtre dans le moût pendant la fermentation, ou bien on l’ajoute au vin lui-même après la décuvaison. Cette méthode est loin d’être nouvelle, car elle était connue des anciens et pratiquée par eux ; elle ne résulte pas non plus d’habitudes locales, puisque l’on rapporte que les Persans, en plein moyen âge, préparaient le vin de Schiraz dans des cuves enduites de plâtre.