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français perdrait le prestige auquel il doit tenir avant tout, s’il avait l’air de rechercher les aventures et même de troubler la paix générale par intérêt personnel. Le but constant de sa politique doit donc être de chercher tous les moyens pour avoir raison et le bon droit de son côté. »


XII. — LE SYSTÈME POLITIQUE DE NAPOLÉON III.

« Il y a dans toutes les affaires, a dit Bossuet, ce qui les prépare, ce qui détermine à les entreprendre et ce qui les fait réussir. » — Les considérations que Napoléon III développait à son ministre, après les entrevues de Stuttgart et de Plombières, mettent en pleine lumière l’idée dominante qui a présidé à sa politique. Plus systématique que positif, il voulait rendre à la France les frontières de 1814 par une série de combinaisons hasardeuses, fondées sur le principe des nationalités. Il ne s’inspirait pas de l’esprit de conquête ; il avait à cœur de relever son pays des stipulations du congrès de Vienne et de lui rendre ce qu’il croyait être une légitime délimitation. Son esprit large et généreux n’admettait pas qu’on pût disposer du sort d’un peuple malgré lui ; il réprouvait les annexions violentes telles qu’on les a pratiquées depuis dans un esprit de domination militaire : il ne les comprenait qu’approuvées par le vote des populations. Devançant l’avenir, qui réalisera peut-être un jour ce que ses desseins ont eu de sage et d’humain, il rêvait une Europe idéale, fédérative, fondée sur l’entente des souverains et les aspirations nationales. Ce n’était pas dans une pensée égoïste, exclusive, qu’il entendait modifier la carte. Loin de méconnaître les intérêts et les désirs des grandes puissances, il comptait les satisfaire ; il ne contrariait pas leurs ambitions, il les encourageait à s’agrandir, dans l’espérance qu’elles reconnaîtraient son bon vouloir par leur concours actif ou par leur bienveillante abstention ; il ne faisait bon marché que des petits états, qu’il tenait pour des rouages inutiles, embarrassans, une entrave au développement du progrès.

S’il y avait du calcul dans sa générosité, on ne peut nier qu’il n’y eût de la générosité dans ses calculs. « Il eut un rêve de grandeur française, a dit George Sand, qui ne fut pas d’un esprit sain, mais qui ne fut pas non plus d’un esprit médiocre. »

L’affranchissement de la péninsule du joug autrichien était son idée fixe ; jeune, il l’avait poursuivi en conspirant avec les carbonari. Arrivé au pouvoir, il faisait de l’Italie le pivot de sa politique ; il croyait répondre au sentiment public français, qui, dans son imprévoyante générosité, bien avant son avènement, réclamait l’émancipation des peuples. Des générations entières n’avaient-elles pas