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une autre base de comparaison, et, lorsque l’on veut s’assurer si un vin commercial a reçu de l’alcool, on titre la glycérine, substance qui se forme toujours en même temps que l’eau-de-vie durant la fermentation vineuse. Il est clair que l’insuffisance relative de la glycérine implique un vinage. L’expérience établit que jamais le rapport pondéral de la glycérine à l’alcool du vin n’est inférieur à 1/15e. Qu’on livre à un chimiste un vin pesant 12 degrés, ce qui répond à 95 grammes d’alcool pur par litre, s’il n’y retrouve que 4 gr. 3 de glycérine, il dira que le liquide est forcément fraudé, puisque le rapport 43/950 ne surpasse pas 1/22e.

Trop souvent à Paris et dans les grands centres, les vins destinés à être vendus au détail sont vinés d’abord, mouillés ensuite. Comme deux fûts de vin de même capacité acquittent toujours à l’octroi la même taxe d’entrée, qu’ils contiennent, le premier, un liquide très peu alcoolique pesant 6 à 7 degrés au plus, et le second, un vin des plus généreux titrant 13 degrés et davantage ; comme, d’autre part, passé une certaine limite, — 15 degrés si notre mémoire est sûre, — les droits à percevoir augmentent brusquement dans une large limite et se confondent avec ceux applicables aux eaux-de-vie, l’intérêt du négociant en gros est d’introduire dans l’enceinte des fortifications une boisson très surchargée d’alcool. Cette manière de procéder revient en somme à passer en franchise quelques grammes de trois-six par chaque titre entrant à Paris. Notre commerçant parviendra à son but par l’une ou l’autre des méthodes suivantes : ou bien il remontera un vin léger avec un autre vin très spiritueux, pratique qui n’a rien de blâmable, ou bien il aura recours aux vins espagnols, dont une bonne partie sont déjà frelatés avant leur entrée en France, circonstance fâcheuse, mais dont les négocians français ne sont pas responsables ; ou bien il traitera directement ses vins par l’eau-de-vie, quelquefois bonne, plus souvent mauvaise, et méritera le nom de falsificateur.

Naturellement, Paris compte beaucoup de négocians assez consciencieux pour ne pas se livrer à cette manœuvre, que l’absurdité des lois fiscales semble encourager implicitement ; de plus, les vins de luxe destinés à la consommation des classes riches, ou ceux qu’achètent les bons restaurans, les hôtels de premier ordre, ne subissent pas un semblable traitement. Les droits d’entrée, indépendans de la provenance, de la nature, de la bonté du vin, pourvu qu’il ne dépasse par 15 degrés d’alcool, grèvent bien lourdement des liquides achetés aux viticulteurs de province, aux maisons de Marseille ou de Cette, sur le pied de 15 à 20 francs l’hectolitre. L’effet de la taxe se fait déjà moins sentir sur le bordeaux coté 150 fr. la barrique, et les crus de Beaune, de Pomard, de Musigny, n’augmentent