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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/915

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recourir aux crus dits teinturiers, ce qui n’est pas blâmable, emploie les acides ou bien les agens tinctoriaux étrangers aux vins.

Lorsque, pour apprécier le degré d’acidité d’un vin, on additionne la liqueur de quelques gouttes d’une matière alcaline : potasse, soude ou chaux, on constate que la nuance du vin tourne au violet sale, puis au vert. Les bases produisent donc sur la couleur un effet fâcheux. Au contraire, un accroissement d’acidité favorise l’éclat de la teinte, et l’expérience avait fait reconnaître cette influence avant que la chimie eût été appliquée aussi bien à l’œnologie qu’à la falsification des vins. Le salage et surtout le plâtrage renforcent l’acidité et avivent la couleur, mais, en général, les producteurs seuls salent et plâtrent; les négocians scrupuleux, lorsqu’ils veulent renforcer l’acidité d’un vin déjà fait, ont recours à l’acide tartrique, à la crème de tartre et au tannin. Cette pratique, non seulement n’est pas condamnable, mais doit être recommandée dans bien des cas ; elle s’est généralisée au point que la fameuse règle alcool-acide, posée par M. A. Gautier et recommandée par lui, a beaucoup perdu de son ancienne valeur. Peu soucieux d’un avantage qui cependant, en se plaçant au point de vue des mouilleurs, n’est pas à dédaigner, nos sophistiqueurs, trouvant que tannin, crème de tartre ou acide tartrique coûtent trop cher, ont voulu produire le même effet au moyen de réactifs bon marché.

Dans ce dessein, ils se sont adressés à l’acide sulfurique ou huile de vitriol, dont la valeur commerciale est à peu près nulle. Un vin légèrement «vitriolé » gagne en couleur et ne devient pas insalubre. Doué d’affinités violentes, l’acide sulfurique s’empare immédiatement de la potasse de la crème de tartre et met en liberté une quantité équivalente d’acide tartrique, de sorte que le vin se trouve à peu près dans les mêmes conditions que s’il eût été plâtré simplement. Le chimiste et le consommateur auraient mauvaise grâce à se plaindre si la dose de vitriol introduite, tout en restant fort petite, était intelligemment mesurée. Mais, ainsi qu’il arrive toujours lorsqu’il s’agit d’incorporer au vin une drogue dont le prix n’est pas élevé, le fraudeur s’imagine que si 30 grammes par hectolitre de liquide produisent un bon effet, 300 grammes feront encore mieux, et il ajoute trop de vitriol. Nous n’avons pas besoin d’insister sur les graves inconvéniens de la présence de l’acide sulfurique libre dans notre boisson quotidienne,

A certaines administrations ou à certains consommateurs qui, à tort ou à raison, ne veulent, sous aucun prétexte, accepter des vins plâtrés, et qui cependant tiennent à acheter des liquides d’une couleur agréable pour un prix modéré, on présente quelquefois des