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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/919

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de vin renfermant de 4 à 7 grammes d’alun par litre. Mais le fraudeur ne se donne guère la peine d’aluner si fortement une boisson naturelle; et, en général, la présence d’un excès d’alun implique l’introduction d’un colorant étranger auquel le sel alumineux donne un peu plus de fixité. N’oublions pas que l’alumine, base de l’alun, figure elle-même au nombre des matières minérales propres aux vins ordinaires ; l’addition d’alun ne peut donc être constatée qu’au moyen d’une analyse quantitative bien dirigée ; au-delà seulement d’un quart de gramme d’alumine par litre, le vin est suspect.

Deux des matières végétales auxquelles l’alun sert d’auxiliaire méritent d’être citées : d’abord les fleurs de mauve noire ou passe-rose (Althœa rosea) cèdent à l’eau ou bien au vin une couleur rouge foncé peu stable par elle-même, mais que le minéral fixe passagèrement. L’alun ravive aussi la nuance du suc de baies de sureau, lui communique une jolie couleur vineuse, sans pour cela en atténuer les propriétés purgatives. On a vendu autrefois sous le nom de « teinte de Fismes, » ou « teinte pour bordeaux, » une affreuse mixture composée d’alun et de baies de sureau, le tout délayé, soit dans l’eau, soit dans un peu de mauvais vin.

Le carmin ammoniacal, qu’on obtient en triturant avec de l’alcali volatil l’insecte nommé cochenille, ne s’emploie pas davantage sans fixatif; car le vin à la cochenille reçoit souvent de l’alun, voire même de l’acide oxalique, ces deux agens étant destinés à forcer la nuance rouge et à la rendre plus stable. Mais c’est peine perdue : la couleur, par cela même qu’elle est d’origine animale, refuse de s’unir avec les œnolines et ne tarde pas à se précipiter. La saveur des vins fraudés avec la cochenille est du reste peu marquée.

Quant à la nomenclature des dérivés du goudron de houille dont les sophistiqueurs font usage pour rehausser l’éclat de leurs boissons frelatées, elle serait aussi longue qu’ennuyeuse. D’abord les expressions employées par la chimie moderne ne brillent guère par la simplicité; ensuite plusieurs drogues, outre leurs appellations scientifiques, sont connues dans le commerce sous des noms vulgaires essentiellement variables. De plus, afin de dérouter l’expert ou de l’amener sur une fausse piste, les fraudeurs les plus ingénieux emploient des mélanges adroitement combinés, au lieu de matières pures, et s’imaginent ainsi « défier l’analyse. »

Que leur appellation ou leur structure chimique soit simple ou complexe, les principes colorans tirés du goudron de houille doivent être recherchés au moyen d’une méthode générale relativement simple. Si, à la température d’ébullition, on traite le vin fraudé par une base métallique telle que l’oxyde mercurique par exemple,