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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/954

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et délibéraient ; ils décidaient qu’on devait sans plus de retard proposer une loi destinée à réglementer et à moraliser le suffrage universel : c’était la loi du 31 mai 1850 ! La loi était bonne ou mauvaise, plutôt bonne que mauvaise, elle était dans tous les cas une réponse au vote de Paris, — et l’histoire sait ce qui en est arrivé. On fait un peu de même aujourd’hui, avec cette différence que ce sont des républicains qui sont au pouvoir, que c’est une majorité républicaine qui donne à une mesure utile par elle-même l’apparence d’une revanche contre le suffrage universel, et c’est là ce qu’on peut appeler un vice d’origine.

Le fait est qu’on compromet ce malheureux scrutin d’arrondissement, et par l’occasion qu’on saisit pour le rétablir et encore plus par la manière dont on l’entend. Il n’y a pas à s’y tromper, c’est clair: le rapporteur de la commission l’a déclaré, M. le président du conseil l’a répété ou laissé entendre, tout le monde l’a avoué avec une sorte de naïveté. On a cédé, il faut bien dire le mot, à la peur! On s’est uniquement inspiré des « nécessités de l’heure présente; » on a voulu se donner une « arme, » un moyen plus sûr de manier et de diriger des élections. On dirait, en vérité, que le régime électoral d’un pays n’est plus qu’un expédient de circonstance que les partis peuvent changer à volonté. Il y a quelques années, les républicains ont cru que le scrutin de liste leur serait plus favorable, ils l’ont remis dans nos lois. Le scrutin de liste a trompé leur confiance, ils reviennent au scrutin d’arrondissement parce qu’ils croient trouver en lui un bon serviteur, un instrument complaisant. On ne prend même pas la peine de déguiser que tout ce qu’on fait, on le fait contre un homme. Et voyez où l’on arrive en donnant ce caractère à une réforme qui aurait pu être bienfaisante : on n’a pas seulement affaibli d’avance l’autorité morale de ce scrutin qu’on rétablit, on a demandé à la chambre née du scrutin de liste de se déconsidérer dans son origine, de proclamer qu’elle n’a été bonne à rien, si ce n’est à faire un testament qui est l’aveu de son indignité et de son incapacité, si bien qu’après cela on ne voit pas bien à quoi elle peut servir. Est-on du moins à demi assuré d’obtenir quelque résultat sérieux? Il est possible sans doute qu’avec le scrutin d’arrondissement, et aussi avec un peu de candidature officielle, avec beaucoup d’intimidation à l’égard des fonctionnaires, avec quelques-unes de ces lois répressives que promet M. Floquet, on ait quelques succès partiels. Ce serait cependant une étrange illusion de croire qu’avec un simple expédient de scrutin, on arrêtera ce mouvement d’opinion qu’une fausse politique a suscité et enflammé. Le scrutin d’arrondissement, soit; mais il faudrait sûrement d’autres moyens, une autre politique, — et qu’a donc à proposer M. le président du conseil ? C’est bien simple, il propose cette