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révision pour laquelle il joue en ce moment son existence ministérielle.

Il en sera ce qui pourra. M. le président du conseil restera au pouvoir ou tombera. Ce qui est certain, c’est que dans les circonstances présentes, puisqu’on prétend s’inspirer des circonstances, cette révision est bien la plus étrange des mesures. M. le président du conseil, dans sa sagesse, juge sans doute que la désorganisation d’où est né le mouvement de résistance dont on s’effraie aujourd’hui n’est pas assez complète : il veut y ajouter une crise constitutionnelle, une espèce d’interrègne des institutions. Quoi donc! M. le président de la république, le monde en est témoin, a trop de pouvoir, il en est embarrassé : M. Floquet rêve de le délivrer de quelques-unes de ses prérogatives et même de lui imposer un ministère indépendant avec une quasi-inamovibilité. Le sénat, cela est bien clair, abuse de ses droits, se mêle trop des affaires publiques et paralyse, par ses usurpations, le génie de la démocratie radicale : le chef du cabinet entend l’élever à la dignité d’une assemblée impuissante et inutile ! En un mot, M. le président du conseil propose de livrer ce qui reste de forces sociales et de pouvoirs modérateurs, de démanteler la place devant l’ennemi. C’est ce qu’il appelle rassurer le pays, mettre la république dans sa vérité et combattre M. le général Boulanger! Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que toute cette agitation est assez vaine. La chambre, par un de ces miracles de confusion entre les partis dont elle a offert plus d’une fois le spectacle, vînt-elle à voter la révision, il n’en sera ni plus ni moins, toutes les propositions iront échouer au Luxembourg. On n’ira pas plus loin pour le moment, et que M. Floquet reste au pouvoir ou qu’il soit remplacé par un autre ministère, tout peut finir par une trêve forcée, nécessaire, de quelques mois, dans l’intérêt de l’exposition, qu’on ne peut pas décemment compromettre.

C’est l’exposition qui décide aujourd’hui; mais l’exposition n’a qu’un temps. La lutte, voilée momentanément par les fêtes, ne continuera pas moins pour éclater aux élections, et, alors comme aujourd’hui, avec le scrutin d’arrondissement comme avec le scrutin de liste, la question sera la même. On n’échappera à l’anarchie radicale et aux menaces de dictature que par une politique généreusement résolue à rendre au pays la confiance dans ses institutions, l’ordre dans ses finances et la paix morale.

Eh ! oui, sans doute, il n’y a point à en disconvenir, les affaires de notre pays ne sont pas dans le plus brillant état. Elles souffrent des violences stériles des partis, des agitations vaines, de l’incohérence de tous les pouvoirs, des passions égoïstes et imprévoyantes qui les gouvernent : c’est la faiblesse, c’est le malheur de la France, qui n’aurait