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de la paix, de l’économie dans les dépenses. C’est la plus vaine des explications. On ne demande la paix, les réductions des dépenses, que dans l’intérêt du travail. Cette sédition d’un instant n’a visiblement d’autre cause qu’une situation économique poussée à bout, et elle ne serait pas sans compensation si elle démontrait aux chefs de l’Italie que la meilleure politique pour leur pays est de s’occuper de ses affaires, de ses intérêts, de tout ce qui peut assurer son indépendance réelle par la liberté et par le travail.

Un des signes les plus caractéristiques, les plus curieux du malaise toujours agité des nations continentales de l’Europe, c’est cette passion nouvelle pour les expéditions lointaines, pour l’expansion coloniale, qui semble saisir certaines puissances, qui les pousse dans toutes les mers, vers des territoires plus ou moins inoccupés. L’Italie elle-même, à la recherche de quelque position favorable, est allée dans la Mer-Rouge, à Massaouah. Elle a cru probablement trouver une diversion à son activité; elle a envoyé des soldats, elle a essayé de s’établir, d’étendre sa domination. Qu’y a-t-elle gagné? Elle a perdu des hommes dans des luttes barbares, elle a même essuyé quelque revers et elle a dépensé beaucoup d’argent : elle n’en est pas plus avancée. Elle est restée campée sur le rivage de la Mer-Rouge, à Massaouah, sans tenter de renouveler ses marches à l’intérieur, et c’était ce qu’il y avait de plus sage. L’Allemagne, convaincue sans doute qu’on n’est pas un grand empire si on n’a pas des colonies, l’Allemagne est à l’œuvre depuis quelques années. Elle cherche sur tous les continens des postes qu’elle pourra occuper, dans toutes les mers des îles où elle pourra planter son drapeau. Elle a de hardis explorateurs, des compagnies de colonisation, qu’elle s’empresse de soutenir en envoyant quelques navires, même, s’il le faut, quelques compagnies de débarquement. Elle ne se décourage pas, elle est tenace dans ses desseins, et elle vient de mettre de nouveaux crédits à la disposition du chancelier pour l’extension coloniale qu’elle poursuit partons les moyens. Elle a réussi, il y a peu de temps, à s’entendre avec l’Angleterre, qui s’est prêtée à ses désirs, pour organiser le blocus de Zanzibar, et ce blocus, qu’elle a obtenu de la complaisance de lord Salisbury, n’est manifestement pour elle qu’une manière de déguiser son intention de se créer un établissement définitif sur la côte de l’Afrique orientale. Maintenant elle est dans la Polynésie, aux îles Samoa, et ici elle est tombée dans une fourmilière de rivalités anglaises et américaines. Il y a deux ans à peine, il est vrai, il y a eu entre Allemands, Anglais et Américains un semblant, une velléité d’accord pour reconnaître l’indépendance et la neutralité de ces îles livrées depuis longtemps aux guerres civiles entre chefs indigènes. L’accord était probablement assez ambigu : l’Allemagne en a profité pour intervenir plus que jamais dans les