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luttes intestines des populations de Samoa, et aujourd’hui, sous prétexte de venger ses nationaux battus, quelque peu massacrés par l’un des chefs, elle est entrée directement en guerre. Elle obtiendrait vraisemblablement encore la connivence anglaise ; mais les Américains sont moins commodes. Ils ont déjà protesté, ils ont même menacé d’envoyer des forces navales; ils sont capables de répondre à la guerre par la guerre, — et c’est là toute la question, qui ne mettra pas sans doute le monde en feu, qui n’a pas moins sa gravité.

Que va faire l’Allemagne? Un instant, à ce qu’il semble, M. de Bismarck a eu l’idée de temporiser. Le président Cleveland et son secrétaire d’état, M. Bayard, qui ont pris une attitude des plus vives dans cette affaire des Samoa, vont quitter le pouvoir le 4 mars, et le chancelier a pu croire que l’administration nouvelle se montrerait plus accommodante; mais le nouveau président, M. Harrison, et ses amis du sénat, se sont hâtés de déclarer qu’ils continueraient la politique de M. Cleveland. Dès lors, il n’y avait plus rien à espérer de la présidence nouvelle, et M. de Bismarck, qui n’est point homme à braver légèrement un conflit avec les Américains, a eu recours à la diplomatie. Il a proposé de reprendre à Berlin, de concert avec l’Angleterre et les États-Unis, la conférence de 1887. Les États-Unis ont accepté, à condition toutefois que les Allemands cesseraient toute hostilité dans l’archipel de Samoa. Une conférence, c’est sans doute le meilleur moyen de dégager une question de ce qu’elle a de dangereux. Il sera seulement curieux de savoir comment M. de Bismarck se tirera de cette négociation avec les Américains, qui semblent maintenant disposés à étendre la doctrine de Monroë jusqu’à la Polynésie, et avec les Anglais, qui ne suivent qu’avec mauvaise humeur la politique complaisante de lord Salisbury vis-à-vis de l’Allemagne. C’est peut-être se donner bien du mal pour une politique coloniale qui n’intéresse qu’à demi la grandeur de l’empire allemand.




Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que la chambre par 307 voix contre 218 s’est prononcée pour l’ajournement de la révision. M. Floquet monte à la tribune et annonce que le cabinet donne sa démission.


CH. DE MAZADE.