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retourne au palais et rend compte à Açoka de ce qui s’est passé. Le roi accourt au monastère, proteste que ses ordres ont été outrepassés. Tourmenté pourtant de scrupules, il veut savoir si la faute lui est ou non imputable. Les moines sont divisés : seul, le pieux solitaire Tishya Maudgalipoutra sera en état de trancher ses doutes. Le saint homme est aussitôt appelé. Il absout le roi. Quelques jours après, il prend la présidence d’un concile qui réunit pendant neuf mois mille religieux.

L’œuvre attribuée à cette assemblée n’est rien moins que claire. Mais c’est à son initiative que la tradition de Ceylan rattache la première dispersion des apôtres du bouddhisme. Madhyântika se rend dans le Kashmir et dans le Gândhâra. Un roi des serpens avait transformé la pays en un immense marécage ; le religieux déploie au milieu des eaux ses pouvoirs surnaturels. Il résiste, impassible, à tous les assauts des forces élémentaires que le dragon déchaîne contre lui ; il laisse tomber de sa bouche une stance : elle suffit à convertir son terrible adversaire avec quatre-vingt-quatre mille des siens. Les Yakshas, les génies de la montagne, suivent en foule cet exemple. Rakshita va prêcher à Vanavâsi, sur la côte sud-ouest de l’Inde. De l’espace où il plane, il convertit, par une seule exhortation, soixante mille auditeurs. Ainsi des autres; leurs allures et leurs succès ne sont pas moins merveilleux. Les prouesses de Madhyântika sont également familières aux bouddhistes du Nord. Mais ils ne les mettent en relation avec aucun concile ; le saint personnage est chez eux reporté à une date sensiblement plus haute; il est le disciple et l’envoyé d’Ananda, le parent et le disciple du Bouddha.

Il y a divergence aussi sur les événemens qui ouvrent la relation du concile. Voici ce que l’on raconte au Nord. Açoka avait un frère, Vitâçoka, fort prévenu en faveur des brahmanes. Il a, pour le convertir, recours à un singulier expédient. Il donne l’ordre à ses officiers, tandis qu’il est au bain, de revêtir son frère, comme par jeu, des insignes royaux; puis il le surprend dans cet appareil, et, feignant une grande colère, le condamne à mourir. Il lui accorde cependant un sursis de sept jours : pendant ce temps, le prince jouira de tous les privilèges du rang suprême. Mais, hélas! toutes les fêtes sont sans attrait, tous les plaisirs sans prise sur l’âme du prince, qu’absorbe uniquement la prévision du dénoûment fatal. Il a pu ainsi éprouver quelle est la vanité de toutes les attaches terrestres avec cette perspective de la mort inévitable. Son esprit est éclairé; quand le roi, au bout des sept jours, le réconforte et le rassure, sa seule pensée est de renoncer au monde, de confesser le Bouddha, d’entrer dans la vie religieuse. Quelque temps