Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nationale de l’État, sont d’une solution plus ardue en Russie que partout ailleurs. De là, entre Pétersbourg et Rome, ces longues négociations si souvent suspendues et reprises. Alors même qu’ils parviennent à s’entendre, l’accord conclu entre les représentans du pape et du tsar ne résiste guère à l’épreuve des faits, la papauté ne pouvant se résigner à une ingérence laïque contraire aux canons, et le gouvernement impérial ne sachant pas renoncer à ses pratiques administratives.

Tantôt par calcul, tantôt par le seul fait de ses institutions, le gouvernement russe tendait à réduire le catholicisme à l’état de simple rit, ne différant de l’orthodoxie que par la discipline et la liturgie. En mettant obstacle aux rapports des évêques et du Vatican, en plaçant au-dessus de l’épiscopat une sorte de synode dépendant du tsar, la Russie éliminait du culte catholique ce qui en est l’essence, la catholicité. Dès le premier partage de la Pologne, Catherine II, aidée de l’évêque Siestrencewicz, s’efforçait d’enfermer ses sujets catholiques dans les frontières de l’empire, travaillant à relâcher les chaînes qui les rattachaient à Rome pour ne laisser subsister, entre eux et le saint-siège, que le lien de la communion au lieu du lien de la juridiction. Heureusement pour la papauté que, en aucun pays, les catholiques ne tenaient davantage à rester unis au centre de la catholicité. À leurs sujets de rite latin, les tsars russes ne pouvaient offrir d’église nationale polonaise : toutes leurs tentatives pour les détacher de Rome étaient condamnées d’avance. Les catholiques de Russie étant plus catholiques que Russes, il était malaisé de les dresser au schisme. Le gouvernement l’a compris : si quelques conseillers de Nicolas ou d’Alexandre II ont rêvé d’une église latino-slave indépendante de Rome, le cabinet impérial paraît avoir renoncé à cette chimère.

Le culte catholique compte 12 diocèses : 7 dans le royaume de Pologne, 5 dans l’empire. Ces sièges sont souvent vacans. Les évêques morts demeurent des années sans être remplacés, et, parmi les vivans, il en est presque toujours quelques-uns de déportés ou d’internés loin de leur diocèse. Ainsi récemment, à Iaroslavl, l’évêque de Vilna, Mgr Krymiewiecki. Évêques et prêtres se plaignent de n’être pas libres dans l’exercice de leur ministère. Le pouvoir civil aime à s’immiscer dans l’administration diocésaine ; il ne craint pas de soutenir les prêtres en révolte contre l’autorité épiscopale. Les évêques, étroitement surveillés par l’administration, ne peuvent communiquer librement avec le saint-siège. Ils ne peuvent même accomplir leurs visites pastorales sans l’autorisation du gouverneur de la province.

Le clergé catholique ne souffre pas seulement du défaut de liberté ; le nombre des prêtres est insuffisant et l’état entrave leur recrutement.