Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parts, forment par leur mélange indéfinissable une sorte d’atmosphère silencieuse qui calme, assoupit les sens, et à travers laquelle se révèle, enveloppé d’une lueur vague, le monde invisible. Une secrète puissance vous attire vers le point où convergent les longues nefs, là où réside voilé le Dieu rédempteur… Dans ses axes croisés, il offre l’image de l’instrument du saint universel ; au-dessus, celle de l’arche, unique asile, aux jours du déluge, des espérances du genre humain. Les courbures ogivales, les flèches qui de partout s’élancent, le mouvement d’ascension de chaque partie du temple et du temple entier, expriment aux yeux l’aspiration naturelle, éternelle de la créature vers Dieu. »

L’architecture est donc le premier des arts et la base de tous les autres. Elle répond, dans la création au monde inorganique. Ses lois sont des lois mathématiques ; au point de vue de l’utilité, l’architecture dépend des lois de la pesanteur et de la résistance des corps ; et au point de vue esthétique, elle dépend des lois géométriques de la forme et des relations harmoniques des lignes. L’architecture rappelle encore l’unité de la nature. Mais dans la nature, l’unité est immense, infinie, indéterminée. Dans l’art, au contraire, l’unité doit être immédiatement aperçue. De là le caractère de symétrie qu’affectent les œuvres architecturales. Mais cette unité est un peu factice. En agrandissant les proportions et eu dissimulant l’unité abstraite sous la variété des détails, elle imite, autant qu’il est en elle, l’unité variée de la nature.

De l’architecture, comme d’une matrice commune, se dégagent, par une sorte de travail organique, les arts divers qu’elle contenait virtuellement. Son développement est semblable à celui de la nature, qui commence aussi par l’architecture, puisqu’elle travaille d’abord à fonder la structure solide du globe ; bientôt elle se couvre de végétaux, puis d’animaux, et enfin l’homme apparaît, avec toutes les splendeurs de l’intelligence. Tel est aussi l’ordre et le plan des différens arts. « Le temple a aussi sa végétation. Ses murs se couvrent de plantes variées ; elles serpentent en guirlandes le long des corniches et des plinthes, s’épanouissent dans les ouvertures laissées à la lumière, se glissent sur les nervures des cintres, embrassent comme la liane des forêts les formes sveltes des pyramides semblables à des pointes de rochers, et montent avec elles dans les airs, tandis que le tronc des colonnettes pressées en faisceaux se couronne de fleurs et de feuillage. La pierre s’anime de plus en plus ; des multitudes d’êtres nouveaux, d’êtres vivans, se produisent au sein de cette magnifique création que l’homme vient compléter et qu’il résume dans sa noble image. »

Tout ce monde de pierres est l’œuvre de la sculpture, qui se lie