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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/483

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autant les grands actes de la vie publique, les transmissions de pouvoir s’accomplissent simplement et régulièrement aux États-Unis. Tant que le combat est engagé, les passions se déchaînent dans toute leur violence, tous les moyens sont bons pour vaincre ; dès que la lutte est close, dès que le scrutin a parlé, tout est fini, la loi reste souveraine pour tous. C’est le spectacle qui se renouvelle tous les quatre ans, qui se renouvelait récemment encore. Au jour fixé, le 4 mars dernier, le président Cleveland a quitté la Maison-Blanche, et le nouveau président, M. Harrison, y est entré pour quatre ans. Entre le président sortant et le nouvel hôte du palais de Washington, les complimens n’ont peut-être pas été des plus chaleureux. Tout s’est néanmoins passé aussi bien que possible, et M. Harrison, escorté d’une foule de ses partisans, est allé au Capitole porter son serment, lire son premier message. Il est entré en possession sans autre cérémonie, sans plus d’apparat et de faste. Ce n’est pas que ce changement ainsi accompli avec cette simplicité soit sans gravité ; c’est au contraire un événement de la signification la plus sérieuse, la revanche du parti républicain vaincu il y a quatre ans, revenant aujourd’hui à la direction des affaires avec sa politique et ses passions.

Que vont maintenant faire les républicains américains de ce pouvoir qu’ils viennent de reconquérir ? Provisoirement on peut dire qu’en gens pratiques ils n’ont d’autre préoccupation que de mettre à profit leur victoire, de se jeter sur les fonctions et les emplois lucratifs. Le premier acte du nouveau président a été de choisir son ministère, et à part M. Blaine qui reprend le poste de secrétaire d’État où il a été déjà, qui est d’ailleurs un des premiers personnages des États-Unis, les autres ministres ne sont que des amis, des complices de la lutte électorale. M. Cleveland avait montré une certaine impartialité et avait même témoigné l’intention de réformer, d’épurer les mœurs administratives profondément altérées depuis longtemps. Les républicains semblent revenir à la domination avec leurs traditions d’âpreté exclusive dans la curée des places. Quant à la politique qu’ils portent au pouvoir, elle était connue d’avance, elle est écrite tout entière dans le premier message de M. Harrison. Avec la présidence nouvelle, le protectionnisme triomphe plus que jamais. Les velléités de libéralisme commercial que M. Cleveland avait laissé entrevoir disparaissent avec lui. En même, temps, dans la politique extérieure, la doctrine de Monroë est professée et avouée avec une singulière hauteur. Le nouveau président ne cache pas que les États-Unis prétendent à une sorte de monopole de protectorat sur les continens, sur toutes les îles du nouveau monde, et cette déclaration est peut-être un assez curieux préliminaire des conférences qui vont s’ouvrir à Berlin au sujet de Samoa. C’est la politique que M. Blaine représente encore plus que M. Harrison, et cette présidence