de Venise, Antonio, de Shakspeare, s’il se vit réclamer sa livre de chair par Shylock, aurait pu, avec quelque prévoyance, éviter cette extrémité. Quant aux assurances contre la maladie, elles sont nées fort anciennement, moins du calcul rigoureux peut-être, que du sentiment de la sociabilité ou de la bienfaisance. Une pensée chrétienne s’y est mêlée au moyen âge. Les confréries de pénitens étaient de vraies sociétés de secours mutuels, des assurances contre la maladie : ce fut l’un de leurs principaux attraits. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux grandes catégories d’associations, celles de capitaux et celles de personnes et que si les premières, avec un certain développement du moins, sont relativement nouvelles, les secondes ont foisonné de tout temps, aussi bien dans l’antiquité qu’au moyen âge. L’instinct humain, quand on ne le comprime pas, produit spontanément un nombre infini d’associations libres.
La société doit-elle se lier à cette fécondité de l’instinct humain, s’en remettre à lui de créer successivement et de répandre les organismes qui peuvent atténuer ou réparer les divers maux dont l’homme est menacé ? Doit-elle, au contraire, en appeler à cet appareil de coercition qui se nomme l’état pour imposer à tous, ou du moins aux plus menacés et aux plus intéressans, des combinaisons protectrices dont, sans lui, ils ne se soucieraient pas ? Un certain nombre de théoriciens, la plupart allemands, soutiennent cette seconde thèse. Pour eux l’état est l’assureur naturel, l’assureur en quelque sorte nécessaire, non-seulement pour les risques qui menacent la personne de l’ouvrier, mais même pour les risques d’incendie, de grêle, de mortalité du bétail, etc. Le professeur Wagner, de Berlin, confident du grand chancelier de l’empire, est celui qui a le plus développé cette doctrine. L’état est, dit-il, l’intermédiaire naturel entre les citoyens et le lien des citoyens entre eux. Par la perception de l’impôt et l’emploi des ressources budgétaires, l’état pénètre dans la vie intime de la nation. Il est vrai que l’état est un lien ; mais c’est un lien que l’on subit, qui n’a aucune souplesse et qui, si on le resserre et qu’on l’étende à tous les membres, rend les individus passifs. Tout autres sont les liens que les individus forment entre eux en vertu de leur activité spontanée ou de leur choix réfléchi ; ces autres liens peuvent être tout aussi efficaces, et ils respectent plus la personnalité. L’état est encore indiqué, dit-on, pour le monopole des assurances, parce que seul il peut donner une sécurité absolue. L’histoire ne confirme pas cette assertion : bien des états n’ont pas tenu leurs engagemens, même dans le courant de ce siècle, tandis que la plupart des sociétés particulières bien conduites exécutaient régulièrement leurs contrats. On peut même affirmer qu’une extension nouvelle et considérable des opérations financières de l’état, en dehors de ce qui est nécessaire