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représenter Séleucus à la cour de Palibothra, c’est-à-dire Pâtalipoiitra, la Patna moderne. De son séjour, il rapporta une ample moisson d’informations curieuses, dont de trop rares fragmens sont venus jusqu’à nous. Par lui, la dynastie nouvelle des Mauryas fut connue des Grecs, et nous trouvons les Morieis cités par eux comme des « rois de l’Inde. »

Cette puissance se consolida; les relations avec l’Occident se renouvelèrent. Le fils et successeur de Tchandragoupta recevait tour à tour un envoyé d’Antiochus, Daimachos, et un Dionysios dépêché par Ptolémée Philadelphe. Son petit-fils fut notre Açoka.

Les dates approximatives se trouvent donc fixées d’abord avec certitude. En plaçant l’avènement de ce prince aux environs de 275 avant Jésus-Christ, nous sommes assuré de ne nous tromper que de bien peu.

Açoka nous a laissé de précieux monumens qui nous ouvrent, sur l’état d’esprit et sur la condition religieuse de l’Inde à une époque capitale de son histoire, des jours curieux. Je voudrais en donner quelque idée.

Ce n’est pas d’hier que ces monumens ont attiré l’attention.

Dehli, la résidence des souverains mogols de l’Inde, s’élève dans une plaine immense où la vieille ville impériale a, comme il arrive aux capitales d’Orient, promené son existence errante au gré de ses maîtres et des vicissitudes de l’histoire. Là dorment, dans une décadence profonde, les débris entassés de bien des splendeurs : forteresses ruineuses, mosquées délabrées, tombes d’empereurs et de poètes, de saints et de soldats. D’un côté, le Koutoub-Minar dresse sa svelte silhouette à côté des arcades gigantesques de la mosquée où les empereurs pathans ont entassé, suivant un plan nouveau, les colonnes arrachées à plus d’un temple et décorées avec une patience indienne. A l’horizon, les vieux remparts afghans de Toughlakabad étagent leur masse morose, redoutable d’aspect jusque dans sa mine. Les coupoles de marbre de la tombe d’Houmayoun couronnent de leur blancheur riante les solennelles murailles de grès rouge où courent les arabesques précieuses. Le vieux fort d’Indraprastha ouvre aux troupeaux paresseux de chèvres et de buffles sa porte énorme, plus grandiose dans sa solitude morne que dans sa nouveauté éclatante. Parmi les débris sans nombre, deux colonnes, hautes de 14 ou 15 mètres, monolithes énormes de 3 mètres de diamètre à la base, polies avec le plus grand soin, mais brisées au sommet et privées de couronnement, tranchent par leur nudité sévère. L’une domine les restes de la forteresse de Firouzabad et regarde au loin, par-dessus le lit voisin de la Jumna; l’autre se dresse sur cette arête de rochers qui contourne la Dehli moderne : de là, le regard embrasse les murailles