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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/342

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exercent sur les hommes des autres races, et le nombre prodigieux de petits Roumains qui poussent chaque année dans les cantons où elles s’établissent. C’est la propagande par le mariage, la plus sûre de toutes et la plus pacifique. On peut dire du peuple roumain, en changeant légèrement le vers célèbre :


Bella gerant alii : tu, pulchra Valaquia, nube.


Voilà le fruit de l’observation en plein air. Tout devient d’une simplicité charmante. Sans compter que la science serait beaucoup moins rébarbative, si l’on y mêlait un peu de l’éternel féminin.

Ce fil conducteur m’a permis de me reconnaître dans une question bien plus embrouillée, en sorte que je puis dire que c’est véritablement Ariane, cette gracieuse messagère, qui m’a tiré du labyrinthe. Il s’agissait de savoir comment les races s’étaient mêlées dans l’intérieur de la péninsule, et si les anciennes populations n’avaient laissé aucune trace sur la terre occupée par les Slaves. J’avoue que je prenais difficilement mon parti d’un pareil cataclysme. Je regrettais cette vieille population de l’Hémus, dont M. Renan dit qu’au temps de saint Paul elle était encore très pure, de noblesse authentique, et de plus très bonne enfant. Les professeurs slaves avaient beau m’expliquer que c’était la faute aux Avares ; que ces barbares, appelés aussi Ougre, c’est-à-dire ogres, ne faisaient qu’une bouchée des peuples qui leur tombaient sous la main ; qu’ils avaient ainsi ouvert un grand trou béant dans la péninsule, et que d’honnêtes Slaves s’étaient chargés de boucher le trou : je n’étais pas convaincu. Pauvres Avares ! il ne manque peut-être à leur mémoire qu’un professeur de leur sang pour démontrer qu’ils ont été, eux aussi, des barbares de bien, des égorgeurs philanthropiques. Mais quoi ! ils sont morts, en tant que nation ; et les morts ont « une discrétion qui n’est pas croyable. » On peut mettre à leur compte tous les forfaits imaginables : ils ne réclament jamais. Toujours est-il que j’ai de la peine à concevoir ces immenses boucheries où l’on passe tout un peuple au fil de l’épée, sans laisser personne pour en porter la nouvelle. Sans doute, la péninsule a vu de bien laides choses pendant ces derniers mille ans. Il y a eu beaucoup d’incendies, de viols, de ravages. Nul, sinon peut-être M. Taine, ne pourrait mesurer la fureur aveugle de ces brutes déchaînées. Cependant, quand le diable s’en mêlerait, toute orgie a son lendemain. L’homme le plus féroce n’est pas assez fou pour égorger de sang-froid l’esclave qui le nourrit. Un écrivain slave éminent, Constantin Jiretchek, homme de sens, a dit : « Jamais, sur la terre, il n’est arrivé qu’un peuple subjugué disparut