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lation, dans les chambres du grand-duché, un accueil cordial, empressé, auquel il a répondu de la meilleure grâce du monde, en prince inaugurant son règne. Il a pris le gouvernement, il croyait sans doute le garder ; mais c’est ici que commence ce qu’on pourrait appeler la comédie s’il ne s’agissait pas d’un souverain qui était hier encore à la mort.

Ce roi Guillaume, frappé d’impuissance, condamné ou à peu près par les médecins, a retrouvé tout à coup un peu de santé, la lucidité de son esprit, une certaine volonté. Il n’est pas guéri d’un mal incurable aggravé par l’âge ; il est sorti d’une crise qui a failli l’emporter. Les chambres hollandaises, sans embarras, se sont empressées de saluer le retour de leur souverain à la vie et au règne. À Luxembourg, la surprise paraît avoir été plus grande. Le coup de théâtre est venu réveiller l’hôte du palais de Luxembourg dans la lune de miel de sa souveraineté. Le duc de Nassau était en pleine possession de son autorité ; il ne pouvait néanmoins songer à retenir un pouvoir que le roi se déclarait décidé à reprendre le 3 mai, — et il est reparti pour Francfort comme il en était venu, escorté des sympathies de la population luxembourgeoise, qui retrouve aujourd’hui son roi. Qu’il y ait eu dans toutes ces péripéties des froissemens intimes, — pour le duc, qui a vu si vite s’évanouir son rêve, comme pour le roi Guillaume qui, en revenant à la santé, a peut-être trouvé qu’on avait été un peu prompt à disposer de son héritage, c’est possible. On a même dit que le roi aurait eu l’intention de demander un changement dans les conditions d’hérédité du grand-duché ; mais ce serait ici une affaire européenne, et les journaux allemands qui ont raconté cette histoire ont peut-être dit ce qu’ils craignaient plus que ce qui était vrai.

Y aurait-il aussi des incidens de frontières pour la confédération helvétique, pour cette vieille gardienne des Alpes ! La Suisse qui a toujours à concilier ses libertés et sa sûreté, son indépendance et sa neutralité, la Suisse serait-elle exposée à avoir des querelles, tout au moins des difficultés avec sa puissante et terrible voisine, l’Allemagne ? Entre états limitrophes, il y a inévitablement sans doute des contestations, des conflits de police, de mauvaises affaires dues le plus souvent à des excès de zèle d’agens chargés d’une surveillance avouée ou clandestine. Jusqu’ici, depuis nombre d’années, il n’y avait eu de ces mauvaises affaires qu’entre la France et l’Allemagne, qui se touchent par des points douloureux, et quelques-uns de ces incidens n’ont pas été en leur temps sans gravité. Depuis quelques jours c’est avec la Suisse que l’Allemagne est en contestation, et c’est pour une question de police que s’est engagée la grande querelle accompagnée comme d’habitude de polémiques acerbes et menaçantes des journaux allemands.

Ce n’est pas tout de faire la police chez ses voisins, il faut encore la