La grande-duchesse Stéphanie fit part au prince de la démarche officieuse de M. de Meysenbuch ; elle l’apostilla de son crédit, et, peu de jours après, la nomination de M. de Persigny, en qualité d’envoyé extraordinaire auprès de la cour de Prusse, paraissait dans le Moniteur. Ce fut un coup de théâtre. Les chancelleries s’en émurent ; la presse prussienne chanta victoire, à la confusion des journaux autrichiens. La confédération allemande patronnée par la France semblait assurée, bâtie à chaux et à sable, à l’abri de toutes les vicissitudes.
La politique de l’Elysée était sortie enfin de son énigmatique silence; on prétendait qu’elle venait de jouer sa première carte et de révéler ses secrètes tendances. Dans les cercles diplomatiques on flairait une alliance; les agens qui se piquaient d’être bien renseignés la tenaient pour imminente. La nomination de M. de Persigny n’avait pas une telle portée, elle n’était qu’un jalon opportunément posé, un avertissement donné à l’Europe et non un acte décisif engageant formellement la politique présidentielle. L’envoyé de Louis Napoléon n’avait pas pour instructions d’offrir un marché impliquant des transactions territoriales ni d’intervenir dans le débat des affaires allemandes. Il devait laisser venir, écouter, stimuler, sans rien promettre. Sa tâche se bornait, et le seul fait de sa présence à Berlin y suffisait amplement, à encourager le roi et ses ministres dans la voie ambitieuse où ils paraissaient résolument engagés. La France était en pleine crise, le gouvernement qu’elle s’était donné avait encore bien des étapes à parcourir avant de pouvoir s’affirmer au dehors. Mais rien ne nous empêchait de spéculer sur les chances qu’une guerre en Allemagne pouvait offrir à notre épée et à notre diplomatie. L’empire n’était pas à la veille d’être proclamé ; réclamer sa reconnaissance éventuelle eût été prématuré; notre ministre cependant était autorisé à laisser pressentir une transformation gouvernementale et à faire comprendre que, le cas échéant, on compterait sur les sympathies de la Prusse en retour des services rendus.
M. Fialin de Persigny, bien avant de s’attacher à la fortune du neveu prédestiné du grand empereur, était converti à l’impérialisme. Il avait dès 1833, sans attendre l’éclosion des idées napoléoniennes, exposé dans un journal, l’Occident Français, qui sombra aussitôt paru, l’évangile impérial[1]. Il s’inspirait dans une langue mystique de la dernière volonté léguée par le grand empereur, du
- ↑ Anatole Leroy-Beaulieu, un Empereur, un Roi, un Pape.