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quelques années, marque toutes les productions de ce maître. Quant à M. Busson qui, depuis longtemps, étudie avec un sentiment très particulier, dans l’arrière-saison, les luttes des nuages et du soleil, il n’a jamais, nous le croyons, si complètement réussi que dans son Commencement de crue sur le Loir, une toile assez grande, d’un aspect grave, silencieux, menaçant, et exécutée d’un bout à l’autre, sans une hésitation, avec une science aussi soutenue que discrète et la force tranquille d’une expérience consommée. Il est intéressant de constater que la plupart des paysages, dus à la génération suivante, dont le succès n’est point contesté, se rattachent par des points fort visibles : pondération des ordonnances, disposition nette des plans, simplification des détails, franchise large de l’action lumineuse, parti-pris des belles masses, à l’école traditionnelle qui, par MM. Français et Harpignies, comme par Corot, se rattache à la vieille école française des Vernet, des Robert, des Ondry. Tels sont, pour ne citer que les plus saillans, la Prairie à Lavans-Quingey, par M. Rapin, et le Matin dans les prés de Perrouse, par M. Pelouse, à qui vient peu à peu le courage des sacrifices, courage difficile pour des observateurs aussi attentifs que lui, mais absolument nécessaire à qui veut faire une œuvre claire, saisissante et durable. Ce courage lui a porté bonheur. Il est inutile de citer, parmi ceux qui savent depuis longtemps de quelle importance est la simplification dans l’étude de la nature, MM. Paul Flandrin, de Curzon, Benouville, Bellel, Didier, dont les convictions classiques ont résisté à toutes les fluctuations de la mode, MM. Lansyer, Grandsire, Bernier, Lapostolet, Beauverie, Delpy, qui savent joindre un amour plus familier pour la nature à des habitudes de réflexion ; toutefois, nous ne saurions omettre de remarquer que, parmi les jeunes gens, un certain nombre, et des meilleurs, tels que MM. Boudot, Baillet, Charlay, Saïn, Dufour, Rigolot, etc., partagent déjà les mêmes convictions et procèdent ouvertement des mêmes principes.

A côté de ces paysagistes calmes et sages, nous trouvons, et ne saurions nous en plaindre, une quantité au moins aussi grande de paysagistes plus inquiets et plus chercheurs, quelques-uns même fort aventureux, qui se sentent mal à l’aise dans ces parcs bien soignés, ces petits bois tranquilles, ces jardinets étroits, ces villages de province où se plaisent leurs voisins ; il leur faut, à ceux-là, ou les panoramas de montagnes, ou les profondeurs des forêts sauvages, ou tout au moins la vaste étendue, libre et aérée, des pleins champs. Parmi ces intrépides marcheurs, se montre toujours au premier rang M. Jean Desbrosses, l’auteur de la Vallée de Monistrol, un paysagiste vraiment rare et puissant, malgré ses