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nationale qu’elle eût pu tout reconstruire autour. Voyez l’Angleterre : le trône abattu, nous l’avons vite relevé. Il fallait faire comme nous. Tant que vos révolutions ont présenté une sorte de parallélisme avec les nôtres, nous n’en avons pas désespéré. La double chute des Bourbons, sous Louis XVI et sous Charles X, semblait reproduire celle de nos Stuarts. Qu’avait, après ses mécomptes, fait la France, par deux fois, en 1814 et 1830 ? Elle avait fait ce qu’elle n’avait su faire en 1789, elle nous avait imités, presque copiés, avec sa Charte. Elle était dans le droit chemin : on pouvait croire que Louis-Philippe, nouveau Guillaume III, allait clore la Révolution. Il n’en a rien été : 1848 et 1870 ont montré l’incapacité de la France à rien édifier. Royauté, empire, république, ont tour à tour échoué, et il n’est rien d’autre à essayer. La Révolution est devenue chez elle une maladie constitutionnelle à accès périodiques. En ce moment même, par quoi semble-t-elle s’apprêter à célébrer le centenaire de 1789 ? Par un nouveau changement.

« Et maintenant, cette révolution qui devait renouveler le monde, qu’a-t-elle apporté à l’Europe ? Des maximes abstraites, c’est-à-dire des acides corrosifs, des gaz explosibles, des agens de destruction. Où sont les pierres, où sont les matériaux de construction découverts par elle ? Je vois bien l’équerre et le cordeau ; mais il faut autre chose pour bâtir. Où est son plan de réédification ? Elle en a eu successivement plusieurs, en modifiant tour à tour le style et l’ordonnance, démolissant ce qu’elle-même avait échafaudé, recommençant indéfiniment le dessin du monument idéal promis à l’humanité. Comparez cette stérilité de la Révolution française à la fécondité des institutions britanniques, lentement élaborées par les âges et douées de la plasticité des êtres vivans. Monarchies ou républiques, tous les états civilisés nous ont emprunté les grands linéamens de leur constitution. En tout gouvernement représentatif, vous retrouvez le type britannique : A single head of the State, roi ou président, avec deux chambres. Ce qui a fait le tour du monde, c’est notre constitution, plus ou moins modifiée selon les usages ou les besoins nationaux. Dans tous les états qui prétendent au self-government, les institutions politiques ou judiciaires sont d’origine anglaise. Le tort de nombre de nos imitateurs a été de se croire de taille à porter les libertés britanniques. De là, chez plusieurs, le discrédit du parlementarisme, du gouvernement de cabinet et de parti, machine perfectionnée aux rouages trop délicats pour les peuples sans éducation politique. — Je bois au self-government anglo-saxon, et à son acclimatation sur le continent. »


Après l’Anglais, vint un Allemand privat-docent à l’université de