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réparations réclamées depuis si longtemps. Cet engagement absorbait les principaux revenus de l’évêché. La situation du sieur Yver, évêque non consacré de Luçon, devenait insoutenable. Dès octobre 1604, on faisait figurer dans les actes rendus au nom de l’évêché un N… de Richelieu, laissant le nom en blanc, hésitant encore entre Alphonse et Armand.

Il fallait en finir. Vers la fin de 1606, sans attendre l’obtention de ses grades, et cinq ans avant d’avoir atteint l’âge canonique, l’abbé de Richelieu fut désigné évêque de Luçon. En même temps, le roi Henri IV, qui continuait à protéger la famille du grand-prévôt, sollicitait du pape la dispense nécessaire pour la consécration du jeune évêque.

Richelieu avait dès lors, près du roi, un protecteur dévoué et influent. C’était son propre frère, Henri du Plessis. Cet aîné, dont nous avons à peine prononcé le nom jusqu’ici, mérite de nous arrêter un instant. Nous ignorons la date de sa naissance ; mais on peut croire qu’il était de cinq à six ans plus âgé que son frère. C’était un jeune homme de mérite, vif, brillant, aimable, d’un cœur tendre et prompt, d’un esprit ouvert et délié. Dès qu’il lut en âge de paraître à la cour, il vint à Paris et, en partie par la faveur de son nom, en partie par la complaisance de ses services, sut s’attirer l’amitié du roi. Nous avons vu que, de bonne heure, il s’était fait inscrire sur la liste des pensionnaires, libéralité d’autant plus remarquable de la part de Henri IV, que ce prince ne passait pas pour prodigue. Malgré ses modiques ressources, Henri de Richelieu s’était mêlé à tout ce qu’il y avait de galant à la cour. Il était l’un des dix-sept seigneurs qui donnaient le ton et réglaient la mode.

Actif, insinuant et bravo, il était digne, en tous points, du nom qu’il portait. Les mémoires contemporains le montrent mêlé aux intrigues de la cour. Dès 1605, il portait ombrage au puissant favori du roi, Rosny. Il servait d’intermédiaire dans une négociation où les jésuites étaient vivement intéressés. Le père Cotton l’utilisait.

Il s’appuyait lui-même sur son beau-frère, Dupont de Courlay. Celui-ci, de beaucoup plus âgé que lui, d’abord gentilhomme de la chambre, puis capitaine des gardes du roi, combattant d’Arqués et d’Ivry, peut-être huguenot converti, était un homme actif et d’ambitions très inquiètes, malgré « sa noblesse douteuse. « Il avait épousé, le 23 août 1603, Françoise du Plessis, sœur de Henri et d’Armand.

Ils formaient tous ensemble une petite cabale dévouée à la reine Marie de Médicis. « Bons joueurs de luth, » courtisans élégans et souples, ils avaient leur entrée dans les cabinets et se servaient