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administrative absolue. David, qui en avait provoqué la création, s’était bien entendu, chargé d’en désigner les membres, et les choix faits par lui avaient paru si heureux à la Convention nationale qu’elle s’était empressée de les ratifier sans discussion. L’une était le Conservatoire du Muséum, appelé à statuer sur toutes les questions relatives à l’organisation de cet établissement. En 1791. L’assemblée constituante, qui d’ailleurs ne faisait en cela que réaliser un projet conçu déjà dès l’année 1775 par le dernier surintendant du roi, le comte d’Angiviller[1], l’assemblée constituante avait décrété que les tableaux du roi, disséminés dans les palais, seraient réunis au Louvre pour y former un « muséum, » où l’on déposerait aussi les objets d’art provenant de l’aliénation des biens ecclésiastiques. Plus tard, au mois de juillet 1793, la Convention avait, sur la proposition de Sergent, voté une somme de 100,000 livres pour l’acquisition de tableaux et de statues dignes de prendre place dans cette collection de chefs-d’œuvre. Malheureusement, aux yeux de David du moins, les hommes auxquels la direction du Muséum avait été originairement confiée se montraient incapables de remplir leur mission. Dans deux rapports adressés coup sûr coup à la Convention, il les dénonce comme des « inhabiles et des intrigans ; » il propose de les remplacer par d’anciennes « victimes de l’orgueil académique, » et, après avoir énuméré les réformes qu’exige le régime actuel du Muséum proprement dit, David profite de l’occasion pour demander que les logemens dans les entresols du Louvre, accordés suivant un vieil usage aux artistes, deviennent la possession exclusive de ceux d’entre eux que recommande « leur patriotisme prononcé, » au lieu d’être, comme aujourd’hui, détenus par « les viles créatures et les anciens valets de Roland et de ses dignes amis. »

On le voit, le temps est loin déjà où les haines se concentraient uniquement sur les artistes représentant l’ancien régime. Elles poursuivent maintenant ceux-là mêmes qui s’étaient dès le début empressés de rompre avec les traditions monarchiques, mais qui n’avaient été et ne voulaient être que des révolutionnaires mitigés, des girondins à leur manière. C’est à ces hommes « d’un patriotisme sans couleur, » comme il le dit de Vincent, l’un de ses lieutenans les plus actifs pourtant dans ses premières campagnes contre l’Académie, que David en veut surtout lorsqu’il entreprend de substituer un conservatoire de sa façon à la commission du Muséum préalablement établie. Aussi, sauf Fragonard, que la nature assurément peu austère de son talent et ses antécédens,

  1. Voyez d’Argenville, Voyage pittoresque de Paris, édition de 1788. p. 58, et les très curieux renseignemens fournis par M. Courajod dam son ouvrage intitulé : Alexandre Lenoir, t. I, introduction, p. 27 et suiv.