à boire, qu’une bonne ménagère affranchit un homme de bien des soucis, qu’elle lui fait gagner et du temps et de l’argent. Mais avant d’épouser, il faut examiner et réfléchir ; le choix d’une femme est une plus grosse affaire encore que l’achat d’une bonne vache laitière… Vous l’aimez, elle vous plait ? Attendez à vous déclarer. Tant mieux si elle est jolie : la beauté est un luxe qui dispense des autres, et l’expérience nous apprend que les femmes les plus laides sont celles qui donnent le plus de temps à leur toilette. Mais assurez-vous qu’elle est économe et sobre : « J’aurais mieux aimé prendre une courtisane dans la rue que d’épouser une jeune fille que j’aurais vue boire un verre ou deux de vin à son dîner. Il y a peu d’objets aussi dégoûtans qu’une femme qui boit, et cette idée a été présente à mon esprit dès le moment où je me suis aperçu que les jeunes filles sont un peu plus jolies que les murailles. » Il importe qu’elle soit propre : examinez avec soin ses cheveux et ses oreilles. Il importe encore plus qu’elle soit active et que la rosée du matin ait souvent humecté ses souliers. S’ils ne sont usés que d’un côté ou s’ils sont éculés, c’est un bien mauvais signe, et si vous voyez jamais apparaître les savates, pendez-vous, si vous le voulez, mais n’épousez pas. Étudiez surtout le travail de sa mâchoire ; regardez-la manger une côtelette. Qui mange vite travaille vite ; si elle va lestement en besogne, déclarez-vous, épousez.
Jeune encore, au Nouveau-Brunswick, comme il était sergent-major dans un régiment d’infanterie, il s’était fiancé avec une petite brune de treize ans, nommée Nancy, fille d’un sergent d’artillerie. Il l’avait vue pour la première fois par une froide matinée d’hiver, et du même coup il avait constaté qu’elle était jolie et que, quoiqu’il fît à peine jour, elle était déjà sur la neige, occupée à nettoyer une cuve : « Elle sera ma femme, » dit-il incontinent à l’un de ses amis. Six mois après, l’artillerie étant renvoyée en Europe, Nancy partit avec son père, et l’amoureux Cobbett lui remit toutes ses économies, montant à 150 louis, pour qu’elle en fît tout ce qui lui plairait. Quand il retourna lui-même en Angleterre quatre ans plus tard, il retrouva cette jolie fille employée dans un ménage où le service était fort dur, et sans prononcer une parole, elle lui présenta le rouleau des 150 louis encore intacts. Il s’empressa de l’épouser, et assurément il fit bien.
Il se vante des attentions qu’il eut toujours pour elle. A Philadelphie, comme elle était souffrante et que les aboiemens d’une bande de chiens errant dans les rues l’empêchaient de dormir, il passa toute une nuit à monter la garde, pieds nus, sur le trottoir, écartant les chiens à coups de pierre. Elle avait peur de la foudre, et dès qu’un orage s’annonçait, il avait hâte de la rejoindre. Les Français à qui il donnait des leçons lui disaient en riant : « Sauvez-vous vite, monsieur Cobbett, voilà le tonnerre. » Mais pendant plus de quarante années de