faire figure en Europe, la satisfaction d’amour-propre de prendre, entre Vienne et Berlin, la place laissée vide par la Russie, l’orgueil de marcher aux bras de deux empires ; c’était peut-être davantage le désir de se rapprocher de l’Europe conservatrice, de se donner une sorte de consécration vis-à-vis des cours, et de garantie vis-à-vis de la révolution. Une monarchie issue d’une révolution est toujours soucieuse d’effacer cette tache originelle. La triple alliance, gardons-nous de l’oublier, n’a point été inaugurée par M. Crispi et la gauche italienne, — bien que M. Crispi ait pu se vanter d’y avoir contribué par ses voyages ; — la triple alliance a été préparée par la droite constitutionnelle. A vrai dire, elle a été moins l’œuvre d’un ministère, ou d’un parti, que de la dynastie. Le ministre qui a signé le traité d’alliance, M. de Robilant, était l’homme de confiance de la couronne. On sait qu’il passait pour avoir du sang de Savoie. Veut-on apprécier la triple alliance, il faut songer que ce n’est pas seulement une alliance politique, mais aussi une alliance dynastique. Ici encore nous pourrions répéter : c’est là sa force, et c’est là sa faiblesse. C’est sa force surtout.
Nous touchons à un point délicat ; mais il importe de tout dire : la forme du gouvernement français n’a pas été étrangère à l’accession de l’Italie à la triple alliance. M. de Bismarck, savait ce qu’il faisait quand, à l’encontre de M. d’Arnim, il souhaitait rétablissement de la république en France. Il comptait sur la république pour mettre la France en quarantaine, « Nous autres souverains, nous sommes monarchistes, » disait le roi Victor-Emmanuel à un de nos ambassadeurs. Le voisinage de la république française n’était pas sans inquiéter les cours d’Italie et d’Espagne. A Rome, comme à Madrid, on appréhendait la contagion démocratique. Alors même que notre gouvernement avait la sagesse de s’interdire toute propagande, on craignait, sans l’avouer, que le spectacle donné par la France ne fortifiât le parti républicain au-delà des moins. « Quand votre république sera sortie de l’enfance, et que son tempérament sera formé, — me disait un Castillan, il y a une dizaine d’années, — si elle est bien sage, et si elle donne de bons exemples, gare aux monarchies voisines ! » Les faits ont montré que ces appréhensions étaient chimériques. La république semble avoir pris soin de rassurer les voisins que sa bonne conduite eût pu inquiéter. En Italie, aussi bien qu’en Allemagne, les philosophes politiques ont tiré parti de ses faiblesses pour démontrer aux peuples l’infériorité de la forme républicaine et les bienfaits de l’institution monarchique. Tel penseur n’a pas craint de dire que la France avait pris, pour le bien de l’Europe, le rôle de l’Ilote ivre. Malgré