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douteurs avaient enseigné à se moquer des idoles. Et les idées scientifiques, qui commençaient, à se répandre, apprenaient, aux hommes à grandir leur dieu pour l’égaler a la grandeur de la nature.

L’église chrétienne n’a fait que répéter, dans ses invectives contre les Nations, les déclamations des prophètes contre les idoles :


Et ce n’est pas un dieu comme vos dieux frivoles,
Insensibles et lourds, impuissans, mutilés,
De bois, de marbre ou d’or, comme vous les voulez ;
C’est le dieu des chrétiens, c’est le mien, c’est le vôtre,
Et la terre et le ciel n’en connaissent point d’autre.


Je comprends qu’au temps de Polyeucte on ait parlé comme on parlait à la fin du IIe siècle ; mais je ne crois pas qu’on ait tenu ce langage au temps de Sennachérib ou au temps de Nabuchodonosor.

Dans Jérémie connue dans Isaïe, Jéhova parle avec dédain, de l’encens qu’on brûle devant lui et des victimes qu’on lui offre en sacrifice en même temps qu’on désobéit à sa Loi (6-20.) Et il y a un endroit, ou cela est exprimé d’une manière qui étonne (7-21) : « Ajoutez vos holocaustes à vos sacrifices et mangez-en la chair[1]. Car je n’ai rien dit, je n’ai rien commandé, quand je les ai fait sortir du pays d’Egypte, en fait d’holocaustes et de sacrifices. Mais voici ce que je leur ai commandé : Ecoutez ma voix et je serai votre dieu et vous serez mon peuple. »

On ne comprend pas d’abord ce verset quand on voit quelle place tiennent dans le Pentateuque les sacrifices et les holocaustes, et des critiques ont été amenés ainsi à supposer que Jérémie était antérieur au Pentateuque, ce qui est contre toute vraisemblance ; mais le langage du prophète peut s’expliquer. Il est dit dans l’Exode que, lorsque les Israélites, trois mois après leur départ de l’Egypte, arrivent au pied du Sinaï. Jéhova, pour la première fois, appelle à lui Moïse sur cette montagne et lui parle ainsi (19-3) : « Voici ce que tu diras aux enfans d’Israël… Si vous écoutez ma voix, si vous observez mon pacte, vous serez à moi par prédilection au-dessus de tous les peuples… Vous serez pour moi un royaume de prêtres, un peuple saint. » C’est tout ; et c’est précisément là ce que Jérémie rappelle. Puis, plus loin, Jéhova lui-même promulgue, du haut du Sinaï, les Dix commandemens, où il n’est pas question non plus de sacrifices. Il est vrai qu’ensuite il en est parlé plusieurs fois, et encore plus souvent dans le Lévitique, mais comme de

  1. Les holocaustes, ainsi que l’indique le mot grec, différaient des simples sacrifies, en ce que dans l’holocauste la victime était consumée tout entière (Lévit., I, 9, etc.)